Nos aïeux salaient et séchaient les viandes pour les conserver longtemps. En effet, les bactéries adorent les milieux humides et la viande en est un tant qu'on ne l'a pas saumurée pour en extraire une bonne partie de l'eau. La viande est en gros une éponge de gras et de protéines, avec près de 70% d'eau.
Un petit rappel des bases, en de nombreuses et longues pages sur le site de la FAO: categories of processed meat products (dans leur manuel: "Meat processing technology for small-to medium-scale producers").
Et sur le site très documenté, Amazingribs.com ou sur leur chaîne YT
A l'inverse de nos aïeux, nous avons de la viande en permanence, sur nos étals. Nous salons et séchons pour des raisons gustatives, car l'eau étant éliminée en majorité, les saveurs sont exaltées. Ou nous procédons ainsi pour des raisons d'organisation (le planning Mini-max).
Dans ces deux cas, nous ne devons plus garder les salaisons de longs mois. D'ailleurs, si vous séchez de petites pièces (comme un magret de canard), elles durciraient bien trop sur de trop longues périodes (plus de 2 mois). Si vous entamez la recette d'un jambon entier, il en va autrement, mais je ne me sens alors plus habilitée à en traiter. Je m'adresse aux charcuteriers du dimanche que je suis, qui traitent de petites pièces et les conservent deux mois maximum.
Dans vos essais de charcutier du dimanche, ne diminuez pas les doses de sel que l'on met en place, car la concentration en sel prévient le botulisme. Pour les morceaux de 3 à 4 centimètres d'épaisseur que je préconise dans mes recettes, il faut compter 24 heures de marinade hypersaturée au sel. Lors de vos ateliers, je me dois de préciser pour les distraits que tout l'environnement doit être propre, planche de travail et mains comprises. Tout laver au savon et ne pas simplement rincer, sans pour autant désinfecter à la javel. Juste milieu!
Si vous suivez les recettes à la lettre, doses de sel et propreté comprises, vous n'aurez nul besoin d'ajouter de sels nitratés. Nos précédesseurs et les professionnels encore aujourd'hui en intègrent dans leurs salaisons pour éviter une bactérie particulièrement virulente, responsable du botulisme. Vous pouvez, mais vous ne devez pas, utiliser de nitrite. Choix personnel. Je n'en utilise pas, non pas que je m'inquiéterais de l'aspect cancérigène de l'affaire (largement controversé). Je suis plutôt prudente face au devenir des nitrites dans la biochimie d'un canari de la modernité que je suis; les nitrites se transformant rapidement en oxyde nitrique, NO, qui dans certains environnements peut déclencher des cascades d'inflammation - hypothèse du chercheur Martin Pall, que je confirme pour mon cas perso.
Surveillez toujours attentivement vos oeuvres: tous les deux jours, vérifiez à l'oeil et au nez. Si ça sent: exit. S'il y a de la moisissure verte: exit. Moisissure blanche: c'est de la fleur de salaison, tout à fait normale. Quel que soit votre choix, n'improvisez pas: les salaisons sont les seules recettes culinaires qui demandent un respect parfait des dosages et des ingrédients. Ne risquez pas la vie de vos proches! La tradition veut que la différence entre une empoisonneuse et une ménagère n'est qu'une différence d'intention...