4.2 Un billet sur le dolorisme sournois des amateurs de minceur et de leurs coachs. Sous la forme d'un échange mail.
Q1. (d'une auditrice) Je regarde ça pour l'instant, tu en penses quoi?
FIT TO FAT AND BACK - DOCUMENTARY - 2009 - PAUL PJ JAMES - In 2009, former international model and personal trainer - PAUL PJ JAMES - set out on a life-changing journey of discovery. In order to understand obesity on a personal level and empathize with his overweight clients, PJ decided to gain 50% of his body weight (40kg / 90lbs). By walking a mile in the shoes of his overweight clients, PJ wanted to experience the emotional, psychological and physical effects of obesity, first hand. His 12 month journey from FIT TO FAT AND BACK shocked the world and brought huge awareness to the obesity epidemic. PJ also inspired countless other trainers to follow in his footsteps and gain weight in order to try and understand the struggles of their overweight clients. FIT TO FAT AND BACK is an important and very insightful documentary. Sit back and enjoy the journey!
R. ça veut rien dire cette vidéo: un homme jeune, sportif, sain, qui joue à grossir et qui se compare à une femme obèse (déjà eu des enfants? combien? déjà fait des régimes et bousillé son pondérostat? combien? ), femmedont les ressorts sont probablement foutus. Cela revient à comparer des asperges et des pommes. J'ai pas le courage de regarder, mais j'ai vu sa conclusion: pffft.
Q2. dans la vidéo, pour ce que j en ai vu, il veut essayer de savoir ce que c'est d'être gros parce que un de ces clients a annulé pour la troisième fois son cours particulier de fitness. C'est un cas fréquent que personnellement il n'arrive pas à comprendre et qu'il l'attriste. Au téléphone, son client lui répond qu'il n'à qu'à vivre sa situation pour le comprendre... Il l'a pris au pied de la lettre. Je vais regarder le reste, mais je trouve ça intéressant.
R2. Je ne supporte pas l'idée de la vidéo "je grossis pour sentir ce que ça fait". Une téléréalité circule sur le même thème, avec d'autres coachs sportifs. Ce sont des débiles de l'empathie. Je vais la regarder pour explorer un peu mieux ce qui me dérange.
R3. J'ai tout regardé, ma choupinette. Et on me donnera une médaille parce que le son est crap de chez crap. Je sais que c'est une production maison par deux copains, gratuit sur youtube, mais j'ai les oreilles qui saignent. Un peu d'attention à la qualité, non?
Première partie: super de voir comment il s'enfonce dans la déprime en mangeant de la junk food, comment il devient léthargique, d'autant plus qu'il ne fait plus de sport. Il semble vaguement en empathie avec les gros. Et amusant de voir comme il râle parce qu'il n'arrive pas à prendre les 40kgs qu'il s'est engagé à prendre. Il ne pense tout simplement pas que son corps peut lui résister. Normal, il vit quasi dans un club de fitness, il est imprégné de leurs mantras.
NB. Je n'étais pas là pendant le tournage, on est supposé croire ce qu'il énonce. Avec ce que je connais en nutri et des expériences sur le sujet depuis plus de 50 ans, c'est difficile de faire grossir délibérément par simple manque d'exercice et surplus alimentaire. Et quand les études y arrivent, les gars reperdent tout en deux à quatre semaines. Pour faire prendre ce poids à un homme jeune, en bonne santé, les nutritionnistes les plus pointus pédaleraient sec. Et lui, il y arrive si simplement? Il a dû utiliser des compléments paramédicaux pour ce résultat. Ce serait chouette qu'il le dise... Il a aussi dû utiliser des astuces de body builder (penser: ajouts complémentaires interdits chez nous) pour perdre ce poids après, si l'on regarde son évolution en kgs et semaines avec un regard critique.
Super qu'il ait interviewé des experts, mais ça tombe un peu plic ploc sans vrai scénario. C'est même pas un dixième de la durée, alors que ça aurait pu composer la majorité du film. Ah! bel ego, quand tu nous tiens.
Seconde partie: c'est dur à dire parce qu'il croit sincèrement avoir fait un travail d'empathie, mais il a simplement joué avec son corps. Il a juste rien, mais alors là rien pigé à ce que c'est d'être gros, de perdre du poids (ou pas), d'avoir des rapports conflictuels à la nourriture. Ceci dit, il fallait pas s'attendre à une thèse de doctorat par un joli mannequin comme lui. Mais une conclusion aussi bête, les bras m'en tombent.
D'ailleurs édifiant pour les adeptes de profilage: c'est dans cette seconde partie qu'on voit la superbe arrogance de monsieur pitta, le pire et le meilleur des coachs. Le pire: comme il a reçu un corps résistant, dont il fait ce qu'il veut, il ne peut (et ne veut!) pas comprendre ceux qui grossissent en regardant du chocolat. Il a des mots très durs, il n'a aucune empathie de coeur (seul son mental croit comprendre). Le meilleur: ce gars là doit être super pour motiver d'autres personnages de feu, comme lui, mais selon mes codes à moi, il peut repasser pour passer comme "coach minceur". Il aurait fait les formations chez moi (on peut rêver), je ne le reprenais même pas comme "auditeur", il n'aurait été indiqué que comme "coach". Il n'a absolument pas la finesse d'écoute nutritionnelle d'un auditeur.
Ma conclusion: ce long documentaire ne fait rien pour la cause des gros. Sa cliente Michelle le dit si bien dans le film. Je le reformule à sa place: il croit écouter l'autre et il ramène tout à son petit nombril. Le pire des coachs, te disais-je.
Le coeur de ce que je voulais dire: ce documentaire ne peut que faire du mal et entretenir un découragement chez les apprentis de la minceur, car il se termine par le laïus habituel, selon lequel il faut faire du fitness et moins manger pour maigrir. Ce n'est vrai que pour dix pour cent des gens. Voilà des années qu'on sait que c'est faux et que seul le lecteur lambda peut encore y croire. Cela lui permet de se défausser sur un gros, de l'habiller de ses propres préjugés, ce qui est le meilleur moyen de ne pas se regarder en face: "ah ah tu es un glouton et un paresseux". A quoi l'ex grosse que je suis réponds: "et toi tu es un paresseux de l'esprit et du coeur... Tu ne connais rien aux bases de la nutrition et tu ne t'y intéresses même pas, tu ne fais même pas l'effort d'entendre la souffrance des gros (quand ils souffrent)".
Coachs minceur et mon approche (ou la mouvance Gary Taubes/ Jade Teta). On vit des camps séparés, que je me désespère de réconcilier, comme on n'arrive pas à faire le pont entre ceux qui sont pro- et les anticonsommation. Les mots ne font pas le pont entre la majorité qui croit à ces inepties (manger moins/bouger plus) et ceux qui savent pour les avoir pratiquées que ce sont ces pratiques précises qui les ont rendu gros!
Tu devrais plutôt regarder une des conférences de Gary Taubes Why We Get Fat: The Diet/Weight Relationship, An Alternative Hypothesis, le genre de vidéo indispensable pour se décroûter le cerveau des vieilles croyances tenaces, comme "il faut manger moins bouger plus". Il faut un peu respirer pendant la vidéo, car ce gars génial doit être un peu timide, il parle vite et nerveux. Tiens le coup, car le contenu est hypeclair. C'est la base de son livre "Pourquoi on grossit", qui a été publié chez Souccar en français (épuisé hélas, mais je l'ai en Fr et en UK, je peux te le prêter).
Ces coachs à la noix devraient regarder ceci, très émouvant: Jared's Amazing Transformation. De 250kg à 40 ans à 100 kg en un an. Pas de régime, mais des nourritures vraies; pas de sport mais du simple stretching structuré en méthode (le ddp yoga).
S'ils veulent comprendre ce que c'est qu'être obèse, boogie2988, 250kg au compteur, explique dans une autre vidéo qu'il a tout connu de la douleur enfant, comme brûlures de cigarette, arrachage de peau, se faire battre à la bouteille de whisky, tentative d'assassinat par sa mère, etc. mais que rien ne dépasse pas les douleurs qu'il vit aujourdh'ui, obèse.
Pour revenir aux gros non obèses à ce point, le narcisse du documentaire sait il qu'un enfant qui a grandi dans un utérus de maman sensible aux soufsucres (diabétique ou pas) naît déjà avec un pancréas chamboulé? On ne peut encore dire "fatigué", mais il a déjà dû sérieusement bosser: le glucose passe dans le placenta, l'insuline pas. Si la mère est en hyperglycémie, le foetus doit produire lui-même plus d'insuline que prévu, pour éviter lui-même l'excès de glucose, qui est toxique. Depuis le temps que je lis que les enfants nés de mères hypo/hyperglycémiques sont des abonnés aux régimes, car naturellement gros, je ne comprenais pas le phénomène. C'est plus clair maintenant. Je suis atterrée d'entendre des copines de ma fille faire des régimes maigres (et souvent hyperglucidiques) pendant la grossesse. On est bien dans le monde moderne: elles font déjà bosser des foetus, dis donc. Des chercheurs étudieront peut-etre bientôt si les petits enfants canaris de la modernité qu'on voit naître par dizaines pour l'instant (et déjà monnaie courante aux States) n'ont pas souffert in utero du binôme insuline/pollution accumulée - ce qui expliquerait que, chez eux, ce sont deux voies fort endommagées dès le début de vie? Ce sont presque les seuls enfants qui doivent faire attention aux sucres.
Ce coach plein de bonne volonté connaît-il quelque chose au phénomène d'homéostasie, de régulation du thermostat, de panne de la thyroïde en restriction calorique - et j'en passe ? Sait-il que, dès que tu as fait un régime, ou plusieurs, les actions/rétroactions des hormones ghreline, leptine etc (satiété & C°) sont devenues totalement chaotiques?
Sait-il que tout femme qui a été enceinte au moins une fois dans sa vie été insulino-résistante? Puisque c'est un phénomène par lequel la maman protège le foetus. Dans mes audits, c'était une question systématique (y compris le nombre de grossesses), et pourtant je n'avais pas encore compris le phénomène, mais je le pressentais. Seules les santés hors pair reviennent à la vie quotidienne sans en garder un petit quelque chose de la sensibilité aux sucres. Les faire mincir ensuite (durablement) par l'hypocalorique équivaut à remplir le tonneau des danaïdes, puisque leur circuit insuline & Cie est bloqué, à un niveau ou l'autre.
A part pour son titre, merveilleux jeu de mot en anglais, ce documentaire ne restera pas dans ma mémoire. Et j'aimerais tant qu'il disparaisse des radars de mes camarades. Oh, que je serais triste de savoir qu'une de mes copines se fait encore culpabiliser, souffrir, humilier par des gars pareils! Je compte sur le réseau des auditeurs pour relayer cette autre façon de voir les choses, en tout cas pour ceux qui n'aiment pas souffrir, culpabiliser et se faire humilier ... Dolorisme oblige.