21.11.25 Suite de mon billet précédent "On a le droit d'être intelligent", où je propose une autre vision de la santé
***"Sur quelle prescriptions êtes vous en désaccord svp? Pouvez vous donner quelques exemples svp? " écrit une internaute sous le dernier billet.***
Si ça peut ouvrir la réflexion chez certains, voici mes désaccords de profane érudite en nutri sur la teneur du discours d'un docteur Reliquet, que j'ai relayé hier.
Ce qui suit vaut pour tous les autres nutrithérapeutes, dont j'essaie de nuancer le discours ici. Et pour quasi tous mes copains, qui pensent de cette manière tout simplement parce que les réseaux sociaux et les blogs leur présentent la nutri sous cet angle.
Cela n'est en rien une critique de leur être ou de leur pratique, c'est un autre point de vue.
Si je ne les appréciais pas, je n'en parlerais pas, tout simplement.
1/ Selon mon expérience et mes déductions à partir du réel, il n'est pas vrai qu'on doit absolument se supplémenter, "vu la médiocrité de nos sols et de nos aliments". On a d'autres solutions, dont a/le choix du bio local et fraichement cueilli et b/cibler les aliments selon son profil. Tous les praticiens férus de nourritures vraies, une des clés du Profilage alimentaire, témoigneront que ça change complément la donne.
2/ Le magnésium: nous serions 80% carencés, mais dans la même partie, le docteur nous dit qu'on ne sait pas vraiment doser le magnésium en tests sanguins. Alors sur quoi se base-t-on?
Sur la consommation moyenne?
C'est peu fiable, car on se base alors sur des questionnaires, qui considèrent tous les aliments comme égaux: industriels ou cuits maison, frais ou pas, bio ou pas, etc. On se base sur le fait que l'assimilation dans le corps est la même chez tous, un concept désuet.
3/ J'ai beaucoup interrogé des nutrithérapeutes lorsque j'animais des séminaires. Frais sortis des cours, ils juraient par le magnésium. Après un an: bof! ça réussit à l'un, pas à l'autre patient. On ne peut pas tirer de conclusion (mon point 2/ de la conclusion)
4/ Reliquet et les autres surprescripteurs parlent rarement des effets secondaires des complémentations, comme l'excès de vitamine B ou... D! et ne mentionnent pas les interactions entre les minéraux/vitamines (actions et rétroactions qui peuvent être délétères). Les compléments demandent un doigté hors pair.
5/ Quand je fais des recherches sur les sources (iode ou vitamine D, deux exemples), je n'arrive pas du tout à la même conclusion - c'est mon point 1/ de la conclusion.
Lire par exemple ma recherche sur l'iode: https://taty.be/choisir/iode_reliquet.html
5a/ Accessoirement, ça m'est très personnel, quand j'entends qu'on se réfère à Okinawa, je soupçonne de la pensée magique, car c'est une bouteille à encre. On a écrit énormément d'âneries sur ce sujet, mal documentées. Car on veut "croire" aux zones bleues...
6/ Quand je teste sur moi-même ces bons conseils de nutrithérapie, j'ai souvent des effets secondaires rapides. Le magnésium, que je donne à mon compagnon, m'envoie en UN JOUR dans les baraflates! En bain d'epsom ou en prise de compléments. Alors que je joue sans souci avec cortisone et antibiotiques ou H. E.... (point 3/ de ma conclusion). Je me sais atypique, mais je défends les autres atypiques, hypersensibles ou fragiles, tout simplement.
7/ Et enfin, c'est une philosophie médico-nutrithérapeutique: d'où tire-t-on l'assurance que, parce qu'il manque un minéral x dans le sang, cela signifie qu'il manque dans les cellules-même? et dans le cycle utile à la vie?
Quand je me risque au terme "Robocop" pour ces praticiens, c'est parce qu'outre que je trouve leurs pratiques excessives, ils croient que nous sommes des machines et qu'on peut régler les boulons. Or, nous sommes des systèmes dynamiques hautement complexes, où la conscience et le libre-arbitre importent grandement.
8/ Cette philosophie mène à surdoser les compléments, à la mode orthomoléculaire. "Puisque le corps excrète 95% de l'iode, on peut en donner beaucoup".
Sans envisager que cela néglige la singularité du patient qui, lui seul pourra valider le juste dosage, c'est faire fi de ce que l'iode fait au passage.
Je me représente toujours la vitamine C par exemple comme une bille de flipper: elle allume des fonctions en passant, en touchant des points du corps - quelle que soit la quantité. Je le sens dans mon propre organisme, je ne peux pas le démontrer.
9/ Idem: d'où tire-t-on l'assurance qu'à donner l'élément X, cela va régler un problème? Voir la vitamine D: TOUTES les études d'interventions démontrent le contraire - voir https://www.taty.be/cancer/Kp16.html
En mode que j'appelle naturo, on fait confiance au totum de l'aliment, càd à tout ce qu'il apporte en synergie. Je me fie donc aux aliments pour les apports en nutriments.
Le raisonnement des Robocops est très américano-influencé: on croit qu'on peut contrôler la matière et la nature, qu'on peut cerner l'effet de la vitamine A par exemple. C'est typique d'une nation jeune, qui est quasi adolescente et se prend pour Superman. C'est assez peu adéquat chez nous, dans la vieille Europe.
En tout cas, c'est un choix, ce n'est pas le mien.
10/ Parlant de vitamine A, je l'ai utilisée dans un billet pour faire la démonstration que la mode des Robocops de prescrire de la vitamine D à tous est... une mode! (probablement soufflée par des intérêts financiers, ou simplement une légende urbaine). La vitamine A est aussi cruciale, et personne ou quasi n'en parle. Pourquoi?
10A/ Les compléments sont une chose, l'hygiène de vie globale en est une autre: il n'est pas anodin de mobiliser ses fascias par du yoga ou du tai-chi; de se promener en forêt de feuillus le plus souvent possible; de mastiquer longuement, au calme, ses repas; de s'offrir aux infra-rouges de la lumière naturelle dès le matin; d'arrêter les écrans la majorité du jour et surtout la nuit; de se prémunir de l'électrosmog et des polluants domestiques (les cosmétiques pour les femmes!); etc etc.
Mais c'est plus lourdingue à pratiquer qu'avaler une pilule magique, je l'accorde.
NB très perso: j'axe mon hygiène de vie concrète sur un objectif, celui de produire le plus d'eau cristalline liquide dans mon organisme. C'est encore un autre point de vue (https://taty.be/nourrit/4etateau_pollack.html).
11/ Toujours choix philosophique: la gestion du stress, la joie, le rire, la tendresse, l'orgasme, la méditation, le fait d'être en ligne avec ce que la vie nous demande font des merveilles dans le corps humain.
Qui sait si une vie de joie et de tendresse ne compense pas le manque de magnésium dans l'alimentation, par exemple?
12/ C'est probablement mon long passé dans le monde de la psychologie qui me pousse à toujours voir la symbolique des choix, des faits et des gestes. Je sais que notre monde actuel vit une grande transition, profonde, et que nous cherchons des voix fermes, sûres, catégoriques - pour nous rassurer, tout simplement.
Cela mériterait un livre entier, mais le fait de "croire" aux assertions de la nutrithérapie est très proche de la croyance dans la parole du curé, au XIXe siècle. Le fait de croire qu'ajouter X et Y en gélules revient à croire qu'absorber une hostie va nous purifier. L'Evangile rassure et on ne peut en vouloir à personne. C'est humain de vouloir croire.
Je me posture plutôt en Zénon de l'Oeuvre au Noir de Yourcenar: je ne crois en rien (ou ça change de jour en jour), je n'ai confiance en personne. Je vérifie tout comme un petit Faraday moderne. Scoop: c'est très casse-pieds pour mes proches et mes médecins.
13/ Je termine par mon mantra: si j'avais voulu sauver les gens d'eux-mêmes, j'aurais fait médecin. Je serais peut-être aussi une interventionniste et je ferais partie des Robocops, car c'est ma nature mentale.
Or, j'ai préféré enseigner, donner des clés pour qu'on soit acteur de sa propre santé. Cela me permet une autre attitude.
Ma philosophie salutaire est si atypique dans les media actuels (moins dans la vraie vie) que je me sens comme le petit bonhomme de Sempé en illustration du New Yorker: seul à soigner son petit arbre dans une forêt de béton ;)
Pour une expérience multimedia, je chantonne "Auprès de mon arbre" de Georges Brassens:
"Auprès de mon arbre,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre..."