Amis pros de la nutri et fanas de systèmes d'exclusion (gluten, laitages, viande, sucre & Cie), croyez-vous sincèrement que priver quelqu'un de l'un ou l'autre aliment commun est anodin au plan psychique?
Je revois cette charmante dame italienne, atteinte d'un cancer, en cours de traitement, à qui, débutante, je conseillais d'arrêter le gluten. Vallée de larmes: "mais mon père s'occupe enfin de moi, il me fait des pâtes maison tous les jours depuis que je suis malade".
Mon cas: adolescente, retour d'Afrique, je suis diagnostiquée "pré-diabétique". Le médecin: "Votre petite ne peut plus manger de sucreries, madame". Résultat des courses: j'irai en enfer, car à cette époque j'ai appris à voler des chocolats pour diabétiques dans le rayon diététique du Nopri, la petite grande surface près de chez nous à Bruxelles! Non seulement mes soeurs avaient de l'affection et de l'amour de la part de ma mère et moi pas, mais elles avaient des desserts et moi pas.
J'ai beau avoir payé une piscine avec accessoires en or aux psys depuis mon adolescence, ces petites mésaventures laissent des traces, mes amis. Les jours pairs le petit ange qui habite en moi veut se sentir bien, pétiller, soigner son sigmoïde et ses mitochondries.
Les jours impairs, le diablotin se réveille: "ah non, on va pas encore me priver!!"
"Et m'exclure du groupe..." pourrais-je rajouter. Continuons dans l'impudeur, mon histoire me permettant de comprendre bien des non-dits en nutrition. Semi-caractérielle (un peu normal quand on sert de soupape psy à toute une famille), j'étais en général exclue des groupes, à l'école, en mouvement parascolaire, dans la rue. J'aurais fait pareil si j'avais été mes petits camarades, car j'avais des comportements vraiment bizarroïdes. Cela s'est calmé, merci, Jeannette.
Le résultat est que j'ai une réaction épidermique lorsqu'on me demande d'exclure un aliment de mon assiette, de manière radicale. Que cela me mette en posture d'exclusion lorsque je mange avec des amis ou que cela me rappelle la notion même d'exclusion, peu importe. Le résultat est que la raison n'a plus cours à ce moment-là et que je joue d'acrobaties mentales pour me l'autoriser tout de même.
Concentrons-nous sur le pain, tiens. Parlons goût mais aussi équilibre du microbiote.
Si, en matière du substitut de gluten, je trouvais au moins la joie de mes papilles, je ne serais pas aussi frustrée ou diabolique. A ce jour je n'ai rien goûté qui ne colle pas au palais et aux dents. Aucun biscuit, pain, aucune pâte n'a encore enchanté mes papilles.
En outre, je ne suis pas étonnée de découvrir les études qui repèrent la catastrophique formule sanguine des pratiquants du sans-gluten (études récentes aux States). Il y a 3 ans, perturbée de voir tant de monde entrer dans le monde de l'aventure en suivant les conseilleurs de substitut, j'ai photographié un pain sans gluten artisanal, que personne dans la famille n'avait mangé par manque d'attrait. En cinq jours, il a moisi et s'est couvert de champignons tels que je n'en ai jamais vu en cuisine.
A-t-on seulement étudié ce que peuvent produire ces faux pains dans le microbiote? Quelless populations de bactéries, de levures et autres commensaux ces "pains" nourrissent? Quel impact de remplacer un bon pain maison ou artisanal, à la farine bio, levé en montée lente, pain dont les ingrédients sont connus de notre tube digestif depuis si longtemps, par des inventions technologiques non testées?
Une étude de 2017 (Source: Gastroenterology, 2017; 152: S45) démontre que les "intolérants au gluten" réagissent plutôt aux fructanes contenus dans le pain et les pâtes. Or, ces fructanes sont décomposés par la fermentation longue (levain ou pain Mimi à ma façon). Je n'ai jamais vu chez moi du pain au levain, même fait maison avec mes inventions habituelles, qui produise des champignons tels que je les ai montrés en photo.