Je profite d'une question de lecteur pour refaire le topo sur le sujet. La question était "Avec quelle matière grasse peut-on cuire?"
Il faudrait d'abord étudier le contexte. Je comprends ceux qui veulent avoir des autoroutes de choix alimentaires. Je leur proposerais alors de choisir des plans LCHF, végé, paléo, céto, que sais-je? mais pas l'assiette ressourçante. Ces plans fermés sont très charmants, car on peut résumer les listes en une page, à afficher sur le frigo. L'un va survendre l'huile d'olive car méditerranéenne et blablabla (sans se poser la question: comment les Belges ont survécu tout ce temps sans olivier?). L'autre chante la graisse de coco, une panacée (cela n'existe pas, un remède universel!). Et tant pis pour ceux que ces sources ne rassasient pas, ne guérissent pas ou, pire, que ces graisses épuisent.
Le coeur de l'assiette ressourçante et du Profilage alimentaire est le contexte. Il n'y a pas UNE graisse meilleure qu'une autre... Tout dépend de l'état de la personne, et de sa biochimie profonde. Tout dépend aussi de ce qu'on fait: poêler en douceur? cuire à haute température? cuire des biscuits au four?
P. ex. on lira dans le topo de ce blog que "les récidivistes de régimes hypocaloriques" (...) doivent éviter les versions VPPF de l’huile d’olive, de noix ou de sésame, les olives, les purées d’oléagineuses, la graisse et la crème de coco ainsi que la coco râpée."
ou "Le temps de remettre les pendules à l’heure, ce qui peut parfois prendre un semestre, un enfant atypique ou nerveux de type canari doit éviter de manière radicale les huiles tout-venant et les produits préparés avec ces huiles. On y trouve des résidus et des ajouts industriels (BHA E320 ou BHT E321) qui, chez lui, bloquent le processus de détox — ce qui n’est pas une intolérance en soi, mais plutôt un « frein », au même titre que sont un frein les huiles riches en salicylates, même bio, même VPPF, que sont quasi toutes les huiles végétales VPPF (à l’exception de colza, tournesol, carthame) et la famille coco. D’autres produits gras riches en salicylates qui leur font du tort, ici et maintenant : les oléagineuses. "
On verra aussi que, pour un végétarien fatigué, il faut privilégier le beurre avant tout, pour sa teneur en divers bienfaits, dont la vitamine A dont il s'est très probablement carencé au fil des ans.
Etc etc.
Ici n'est pas le lieu pour refaire ce qui paraîtra dans "Choisir l'assiette selon le profil". Je transmets ci-dessous quelques extraits de mes topos. Ce sera l'occasion de voir si j'ai été cohérente dans mes topos. Les codes (p. <EX>) sont des références de pages dans les topos. J'ai copié/collé tel quel de l'original pour l'imprimeur, sans fioritures.
Pour sauter, cuire à l’étouffée, etc.
Les seules graisses qui supportent bien la cuisson poêlée sont la graisse de canard/d’oie, le beurre clarifié, la famille coco (huile, lait ou crème de coco, graisse de palme non hydrogénée, etc.), le saindoux, le blanc de bœuf, l’huile d’olive (dans cet ordre de résistance à la chaleur).
En bonne cuisine française classique tout comme en Cuisine Nature, on les jette après poêlage. Ne récupérez pas le graillon avec un bout de pain, voyons ! S’il faut que le plat soit onctueux, la procédure est simple : jetez la graisse de cuisson, rajoutez ce qu’il faut de graisse crue dans le plat, que l’on ne fait plus que réchauffer.
Toutes ces matières grasses seront choisies sous leur forme originelle, sauf à la rigueur dans les cas de friture où de toute façon les préoccupations diététiques ne sont pas au devant de la scène. Pour une friture de temps en temps, si l’on en juge par les critères exposés dans mon dossier sur le site (p. 2) « Frira bien qui frira le dernier », deux des meilleures graisses de friture, stables et peu oxydatives, sont démonisées aujourd’hui alors que, provenant d’animaux bio, elles seraient idéales : ce sont le blanc de bœuf et le saindoux, les huiles traditionnelles de cuisson des frites en Belgique. Hors ces deux choix, la graisse de friture qui répond au mieux à nos trois critères de qualité serait l’huile de palme bio, non fractionnée, non hydrogénée ni interestérifiée (des marques Bonneterre ou Vigean, au prix d’environ 5,5 € le kilo). Son indice de stabilité aux cuissons multiples est excellent et sa triste réputation est usurpée si on la choisit bio et non hydrogénée (p. <EX>).
Quelles graisses en cuisine du Jules?
Pour assaisonner les légumes crus et cuits, les poissons et les salades composées, utilisez l’huile d’olive V.P.P.F. (vierge première pression à froid), et la version laitière du V.P.P.F. : le beurre ou la crème de lait cru.
Pour sauter à la poêle, employez :
l’huile d’olive ou la graisse de canard ou d’oie;
le beurre frais dilué pour moitié d’huile d’olive (pour empêcher le beurre de fumer) ou le beurre clarifié (ghee*);
la graisse de palme* bio en bloc ou la graisse de coco blanchie —parfaite au plan nutritionnel et moins forte en parfums que l’huile de coco VPPF survantée par les producteurs.
Pour frire, employez des graisses plus résistantes aux hautes températures et aux multiples cuissons. La graisse de palme non hydrogénée est ici un choix de roi, choix que vous rendrez écologique en l’achetant bio (garantie que vous ne contribuez pas à la déforestation indonésienne). Ce sera aussi une garantie au plan nutritionnel car, en bio, elle est non hydrogénée. La fatwa sur la graisse de palme ne concerne pas la bio.
Beurre et huiles
toutes les graisses animales pour cuisson si elles proviennent d’animaux élevés à l’ancienne - voir définition p. <EX> : graisse de canard, d’oie, de poulet, saindoux et blanc de bœuf
beurre de lait cru provenant idéalement d’animaux élevés à l’ancienne (donc : bio ou assimilé) – souvent ce beurre est présenté sous le terme « de ferme », mais on vérifiera la mention « lait cru »
le même beurre sous sa forme clarifiée maison (le ghee)
mayonnaise et vinaigrette maison à base d’huiles végétales ressourçantes
toutes les huiles vraiment V.P.P.F. et non désodorisées (olive, sésame, tournesol, carthame, colza, lin, noix, noisettes, etc.)
graisse de palme non hydrogénée bio et huile de coco en bio
De soutien
huiles végétales qui ne peuvent être pressées à froid (arachide, soja, pépin de raisin)
beurre de baratte, pasteurisé
beurre clarifié ou ghee en pot (bio ou non)
sauces achetées en bio (vinaigrettes etc.)
De dépannage
beurre allégé
margarines, même avec allégations de santé
beurre provenant d’animaux élevés en confinement et nourris aux farines (dont OGMs)
beurre produit au butyrateur (canon à beurre), cas fréquent dans les beurres « de laiterie », jamais crus
graisses partiellement hydrogénées
huiles raffinées (sans indication « VPPF »)
toutes préparations avec ces huiles (tartinades, chips, desserts et mêmes barres énergétiques « santé », y compris certains en bio...)
Voir aussi la rubrique « oléagineux » (p. <EX>), « laitages » (p. <EX>) et « viandes » (p. <EX>) pour d’autres sources de graisses. Voir aussi les graisses originelles (p. <EX>).
Stabilité à l’oxydation
Pour les cuissons simples, les matières grasses les plus stables sont celles qui sont pauvres en doubles liaisons et ne peuvent offrir de changement quand elles entrent en contact avec l’oxygène. Ce sont les graisses dites saturées (aucune double liaison) et les graisses monoinsaturées (une seule double liaison). Les sources de graisses saturées pures sont : le beurre, le saindoux, le blanc de bœuf, l’huile/graisse de coco, l’huile/graisse de palme; les sources de mono-insaturées sont : l’huile d’olive, les graisses de canard ou d’oie, l’huile de tournesol oléique.
Résistance à la chaleur : le cas de la friture
Ce critère est encore plus crucial pour les fritures, car la matière grasse choisie doit résister à de hautes températures (de 160°C à 180°C). Faute de quoi, sa structure moléculaire serait altérée et il se dégagerait des composés toxiques (acides gras libres ou AGL, composés polaires, etc.). Ces éléments sont d’ailleurs choisis comme critères de surveillance de la qualité d’une huile de friture par les professionnels de la restauration (évaluation des AGL pour la tenue au rancissement et évaluation des composés polaires pour la résistance à l’oxydation).
Les températures critiques du paragraphe précédent sont indicatives pour une huile neuve, à utilisation unique. Pour une huile usagée en friture, la température est souvent de 30 à 40°C moindre. Pour ces emplois, il serait sage de choisir une matière grasse résistant à 210°C. Ainsi nous sommes assurés que même après quelques bains, nous restons dans la fourchette tolérée de 170°C.
Stabilité à l’oxydation: le cas de la friture
Dans ce cas de figure, ne nous fions pas uniquement aux chiffres bruts de stabilité à l’oxydation. On tiendra compte de ce que les aliments eux-mêmes peuvent libérer une partie de leur graisse dans l’huile de friture. La stabilité oxydative du mélange est donc modifiée, si, par exemple, du gras de poulet s’est immiscé dans la graisse de palme de friture ou si de l’huile de tournesol hydrogénée, utilisée pour la précuisson des frites, a migré dans votre bain de friture.
Indice de stabilité pour les fritures
Plus précis que les doubles liaisons pour faire notre choix en matière de fritures, un indice de stabilité (inherent stability number) permet de classifier les matières grasses dont le taux de réaction des acides gras avec l’oxygène est le plus bas. Les gagnantes sont l’huile de coco (0.24), l’huile de palmiste (0.27), le blanc de bœuf ( 0.86) et l’huile de palme (1.3), suivis de l’huile d’olive (1.5) et du saindoux (1.7). Loin derrière arrivent les huiles d’arachide (3.7), colza (5.5), etc. Il est à noter que ces chiffres ont été évalués sur des huiles raffinées, blanchies et désodorisées. Peut-on impunément les reporter sur des produits vierges, comme les huiles de coco annoncées « vierge première pression à froid » que l’on peut acheter depuis peu en magasins de diététique ? Mes essais de fritures à l’huile de coco bio annoncée comme première pression à froid et conçue pour la friture ne sont qu’anecdotiques, mais ne m’engagent pas à quitter mes bonnes vieilles habitudes d’utiliser le blanc de bœuf bio ou la graisse de palme bio pour les fritures. Dès le premier bain, j’ai observé la production d’une forte mousse (alors que je cuisais à 170°C, soit 10°C de plus que ne le prévoit le fabricant, je l’accorde). Cela ressemble à l’effet tensio-actif qu’engendrent lors de la cuisson les acides gras libres, ces composés toxiques, a fortiori lors de multiples cuissons. Normal : ces AGL ne sont pas évacués par le raffinage préalable, puisque nous parlons d’une « première pression à froid ». D’autres éléments présents dans cette graisse non raffinée (pigments, etc.) doivent probablement augmenter la capacité oxydative de cette forme d’huile de coco. Je ne l’utiliserais pas en friture, mais bien pour simplement poêler.
*1 Ces chiffres sont extraits de la Food Technology Fact Sheet de l’Oklahoma State University intitulée« Deep-Fat Frying Basics for Food Services » par Nurhan Dunfort, « oil expert ».
Sourire en coin. Essayez de conjuguer le verbe frire, il résiste à certaines formes grammaticales. Je fris, tu fris, il frit, mais nous… frisons ? ils frisent ? Hier, je frisais ? Bizarrement, ce verbe ne s’emploie qu’à certaines formes. Pour le reste on se contentera de dire : je faisais frire, nous faisons frire …
Il n'y a pas de conclusion ferme et définitive. Ceci n'était donc pas un tuto, c'est une ouverture de piste sur le sujet des graisses en assiette ressourçante.
Les référents en Profilage alimentaire qui seraient intéressés pourraient demander à Gabriella ou Maya une formation courte en ligne sur le sujet.