(amis francophones, à vos cerveaux pour la traduction, je ne trouve pas d'équivalent au jeu de mots en français - "chick"= "nana" et "skeptic": vous devinez)
Si l'on place le curseur sur une échelle du plus crédule au plus sceptique, je pense être à l'extrême des questionneurs, tout en gardant l'esprit ouvert. Le principe : « et si c'était vrai ? vérifions ».
Toute petite, mon plus beau cadeau de Noël, à part un livre sur les chevaux, était un livre de la collection « Pourquoi, comment ? ».
Déjà ado, j'ai appris pourtant qu'il n'est pas bon de trop questionner. Lors des ses passages en Belgique, un ami de mon père, ministre africain, couvrait ma sœur aînée de cadeaux somptueux. Je le savais amateur de jolies filles ; ma sœur était très belle et moi un vilain petit canard. Je n'avais pas trop envie de me l'entendre dire, mais après quelques répétitions de cet épisode, je me risque à un « Et moi, alors ? » . – « Oh, toi, très chère, tu poses trop de questions, tu ne restes pas à ta place. »
C'est pas rentable, de trop interroger ! Mais j'ai gardé ce tic toute ma vie.
Face à certains auteurs, je ne me pose même pas la question : « et si c'était vrai ? ». Il faut se donner des limites. En quelques années, j'ai pu repérer que ces auteurs étaient les femmes araignées (parmi lesquels je peux citer quelques hommes, la notion de « femme araignée » est un stéréotype de violence sournoise, par étouffement).
A nouveau je prends un exemple en anglophonie, dans l'espoir de ne pas trop blesser certains lecteurs. La tenancière du site lowhistaminechef en Grande-Bretagne fait partie de la catégorie. Sous des airs d'aider son prochain, elle les peint tous à ses propres couleurs : « je me suis sortie de mes quasi-allergies en suivant tel régime et en prenant tels compléments ». Voilà le protocole. Que tous me suivent ! J'ose pas imaginer le type d'éducation qu'elle donne à ses enfants, Dolto est loin !
Tant mieux si vous êtes son clone biochimique, tant pis pour le budget, l'énergie, la fatigue organique si vous êtes différent – ce qui, vous n'êtes pas surpris, est très probablement le cas. Même phénomène chez la très sympathique Sirène Bio, ex-apôtre du cru, repentie : elle tente de se requinquer avec des complexes vitaminiques, il me semble qu'elle en profite pour donner des conseils aux autres sur cette base. Idem chez une Céline, apôtre du frugivorisme, qui s'autoproclame "coach" du haut de son expérience "N=1".
Mais elle n'y connaissent que dalle, enfin !
Revenons à Mamzelle Lowhistaminechef. Une amie la défend : « elle a interrogé des scientifiques de renom ».
Et alors ? Elle était journaliste avant, c'est son boulot. Chouette. Mais ça n'en fait pas une nutritionniste, que diable. La gentille France Guillain annonce en conférence travailler avec le CNRS. Mais, mes chéries, elle peut annoncer ce qu'elle veut ! Avez-vous vérifié ? Une instit' qui coopère avec des chercheurs ? Difficile à imaginer lorsque l'on sait à quel point les réseaux sont castifiés en France -- je l'ai appris à mes dépens, en voulant naïvement interroger l'INRA, alors que j'avais pourtant un mot d'introduction d'un chercheur. J'échange avec le professeur Raymond Peat par mail, ça fait de moi une pointure ? Hihi…
La dame s'improvise auteur, probablement auto-édité, si j'en juge par le contenu et certains titres. N'importe quel éditeur aurait corrigé des erreurs magnifiques dans un titre, comme celui d'un de ses livres : « L'anti-détox ». Obnubilée par le sujet « antihistaminique », elle signe tous ses livres du préfixe « anti » sans se rendre compte de l'aberration de langage à laquelle elle arrive. Je peux me permettre un regard critique, car je suis certes autoéditée, mais après 100.000 exemplaires vendus, je commence à avoir du métier.
On ne saurait trop remercier tous les intervenants du domaine, lorsqu'ils font connaître la puissance des aliments et de la cuisine. Mais on aimerait que chacun reste à sa place : qu'elle raconte son histoire perso, de manière anecdotique, bravo ! Mais qu'elle en tire un protocole ?
« Et toi alors ? » me rétorque Geneviève. Jusqu'il y a peu (début 2015), mes livres ne contenaient QUE des résumés de grandes pointures : Kousmine (base de la cuisine nature que je défends), Atkins, Weston-Price (dont j'ai formalisé le travail en une « Assiette ressourçante »), etc.
NB. Depuis plus de dix ans, le même laïus sur mon site ou celui de mes livres, pour remettre en place les envolées de certains; dans ce cas-ci certains articles de presse: : « Non, Taty Lauwers n'a pas "mis au point un régime-santé", elle s'est limitée à faire la synthèse de systèmes pratiques qui marchent ... sur le terrain. Ni diététicienne, ni nutritionniste, elle est une profane passionnée de cuisine et de nutrition. Merci de rectifier l'une ou l'autre dérive passée ou à venir... ».
Dans toutes les conférences, j'insistais pour qu'on ne me présente pas comme « nutritionniste », mais comme « courtière en régimes » ou « passionnée de nutrition ».
Que la tentation fut grande, lors des innombrables conférences et ateliers que j'ai animés entre 1998 et 2008, de me laisser aller à la gouroufication des participants. Cela a été une bataille permanente contre la facilité. C'est la raison pour laquelle j'avais structuré mes livres de telle sorte que le lecteur n'en tire pas l'impression d'une démonstration, mais bien d'un chemin de réflexion. Ce fut aussi un des motifs pour arrêter de donner des conférences, j'aurais fini par me la péter.
Rayon pédagogie, j'ai changé le ton dans les derniers topos experts, car je prends ma retraite des séminaires d'audits nutritionnels et je ne voudrais pas laisser un vide, or j'entends une demande permanente des auditeurs pour des protocoles alimentaires. Dans d'autres temps, moins confus, je serais restée dans ma posture de synthèse de régimes existants: appropriez-vous la méthode, trouvez votre propre voie.
Aujourd'hui que beaucoup d'amateurs sont attirés par la parole catégorique des dérapeutes du net, j'ai pensé utile de glisser quelques pistes de réflexion plus guidées, des « rampes » comme le formule joliment ma fille. « On n'a besoin de la rampe que dans le noir. Donne-nous des pistes quand on est confrontés à des cas difficiles et obscurs ». J'aime vraiment bien cette notion de rampe.
Il faut de tout pour dessiner les jolies couleurs d'un riche puzzle. Certains auront besoin des femmes araignées (ce sont les femmes-enfants que j'envoie chez elles, elles adorent se faire enrégimenter), d'autres seront mûrs pour entendre mon discours: "deviens toi" variante de "connais-toi toi-même" (en Liégeois: "débrouille-ti-seauton").
Les femmes araignées sont inconscientes de leur façon de fonctionner. Il se pourrait qu'elles soient simplement submergées par l'envie de vouloir sauver les autres - ce qui se comprend si elles ont choisi de s'exprimer par la nutrition, qui touche à la santé, aux tripes, à l'instinct de survie.
Je prépare une expo de teintures végétales, j'ai voulu apprendre quelques techniques annexes pour mettre en scène les fibres: crochet, patchwork, etc. Je zone ternette à la recherche de vidéos, pour apprendre. Ce sont toutes des filles, ou quasi (seul un culturiste qui crochette, comme c'était amusant), donc plus propices à se comporter dans la violence de l'araignée plutôt que du tigre. Pourtant, pas UNE n'est aussi catégorique que mes petites mademoiselles citées ci-dessus.
Même les filles de mon âge, sexagènaires, plus mûres certes, mais éduquées à l'école du dirigisme, partagent dans le même esprit. Le discours est parsemé de "bon, moi je fais comme ça, je vous montre, vous verrez ce que vous en tirerez ". Le basique humain, quoi. En nutrition, pourquoi je ne retrouve pas la même voie? Dites-moi que je ne suis pas toute seule...
Je reprends l'exemple de la jeune Céline, citée plus haut. Elle dit que grâce au frugivorisme:
Je fonctionne autrement: j'affirme que, grâce à l'adéquation du régime choisi à votre nature profonde, vous vivrez les mêmes signes (tous ou la majorité). Ma copine Jeanne a découvert qu'en mangeant n'importe quoi un jour sur deux et 500kcal le lendemain (mon "stop & go"), elle peut citer les mêmes signes positifs. Julie, elle, obtient les mêmes effets en macrobiote cuit de chez cuit et Jean: en paléo viandeux. Céline et moi sommes donc d'accord sur les signes à observer, mais pas sur la méthode pour y arriver.
NB Je n'ai pas repris le signe nr 1, car avoir soif n'est pas un signe d'équilibre physiologique si l'on mange par ailleurs des aliments sains. C'est plutôt un signe de carence en graisses.
Ma petite conclusion de libertaire: bienvenue dans le monde du "devenir soi". Trouvez votre voie sans vous laisser piéger dans les toiles des femmes araignées. Ecoutez avec attention leur discours et testez sur vous même, sans mettre les pieds dans la glu...