14.11.25 Billet d'humeur. On dit à la blague que Dieu exauce celui qu'il veut perdre... Depuis le temps que dans le monde alternatif, on rêve que les principes naturo soient mieux connus dans le monde conventionnel, on commence à être exaucés - et l'ambiance n'est pas celle qu'on imaginait.
Billet d'humeur. On dit à la blague que Dieu exauce celui qu'il veut perdre... Depuis le temps que dans le monde alternatif, on rêve que les principes naturo soient mieux connus dans le monde conventionnel, on commence à être exaucés - et l'ambiance n'est pas celle qu'on imaginait. Peut-être vit-on pour l'instant une période de transition, une adolescence vers un âge adulte en médecine, mais en attendant, que voyons-nous?
Depuis la période covid, en particulier, c'est devenu flagrant: des généralistes et des spécialistes se lancent dans la complémentation (zinc, vitamine D, etc.) SANS RIEN Y CONNAITRE de plus que vous et moi. Ou, pire, parce qu'ils ont testé sur eux-mêmes et en font une loi.
Et comme ils sont des dieux sur terre, ils généralisent sans se poser de question et proposent:
1/ des surdosages
2/ de produits de synthèse
3/ sans même faire de tests sanguins, ou en changeant les seuils parce que ça leur plaît
4/ sans évaluer les cofonctions, actions et rétroactions de ces surdosages (zinc sans cuivre, par exemple, une aberration)
5/ sans estimer les effets à moyen terme (combien de dégâts osseux avec trop de vitamine D de synthèse, dans un mauvais contexte, mais c'est la mode, voyez)
6/ sans adapter au terrain de la personne qu'ils soignent.
Et qui c'est qui paye les pots cassés? Le patient! Même hors du circuit aujourd'hui, je rencontre quelques copains dont les récents déboires de santé pourraient bien être dus à de la polymédication, vitamino-minérale y comprise, mais qui ne veulent rien entendre. "Oui, mais c'est prescrit par mon rhumato, tu vois, et c'est naturel". C'est donc dieu qui a prescrit de la vitamine D et du calcium, on ne va pas contre l'avis de dieu.
Un exemple concret de la grande confusion actuelle aux yeux d'un internaute ou patient lambda.
Récemment, le docteur Reliquet (généraliste, Nord de la France) nous a fait le plaisir de remettre l'église au milieu du village question iode (livre et interviews) - iode, ce complément dont, depuis l'étude d'un certain Wolff en 1948, la médecine conventionnelle redoutait les excès (à tort). J'en ai fait un article "Crier au loup : dangers de l’iode, ah oui, vraiment ?". -> https://taty.be/choisir/iode_reliquet.html
Le pitch: rien ne vient confirmer les résultats de cette étude, médiocre au demeurant. La prise d'iode à des taux un peu plus élevés que les recommandations officielles n'est pas toxique chez l'humain. Super, on va pouvoir aider notre petite thyroïde, bien mal en point en particulier chez les femmes. Merci, docteur Reliquet.
Et pourtant...
Pourquoi faut-il prescrire 12 ou 50 mg par jour, alors qu'un ajout quotidien de 2 milligrammes suffit largement et est même parfois déjà excessif (dose équivalente à plus de dix fois la dose officielle)?
Si l'on pousse jusque 12 milligrammes quotidiens: ça équivaut à 80 fois la dose officielle! A 2 mg quotidiens, certains sujets ont déjà des palpitations tant c'est élevé par rapport à leurs besoins. On se rappelle qu'il s'agit d'un produit de synthèse, par essence difficile à traiter pour nos foies et reins fatigués; que les interactions des divers nutriments entre eux sont aussi importantes que les dosages individuels; que les surdosages ne montrent leurs effets délétères que sur la durée.
Le prétexte serait que les Japonais consomment 12mg environ par jour, en sources alimentaires. A minima, avant de suivre cette piste, je vérifierais. Primo, le calcul initial semble erroné (voir dans l'excellent et long article de Sally Fallon https://www.westonaprice.org/health-topics/modern-diseases/the-great-iodine-debate/#gsc.tab=0 et cherche l'intertitrer "The Debate"). Secundo, ce dosage a été contredit par d'autres chercheurs depuis l'étude initiale en 1967. Et tertio, ce dosage de 12mg est avancé par le docteur Abraham, qui commercialise le produit que conseille le docteur Reliquet. Aïe! prudence! L'objectivité n'est pas au rendez-vous.
Le surdosage en iode n'est pas anodin, ce que vous découvrirez dans l'article ci-dessus, qu'on fait traduire facilement. Le domaine de la complémentation est très peu régulé et quand il l'est, il n'y a que peu de personnel administratif pour surveiller.
En outre, il ne faut pas confondre toxicité avérée et déséquilibre en cascade provoqué dans l'organisme. Des surdosages (y compris de vitamine D, vieux refrain) ont **toujours* des effets de bords, car les interactions vitamines/minéraux/enzymes sont d'une subtilité infinie. Les astronautes s'en sortent, les autres moins... Le surdosage initial en iode, par exemple, peut saturer les tissus et être bénéfique, mais qu'en sera-t-il après quelques mois? Les liens avec une hypothyroïdie
Deux observations:
1/ Je suis frappée de ce que les internautes répondent à mes questions: "je le tiens de tel médecin" ( anti-âge, en outre, la pire des mouvances). Ma grand-mère croyait le curé, par effet d'autorité. Aujourd'hui, on croit n'importe quel médecin. Ils sont les nouveaux curés...
2/ Je suis à peine étonnée, tant j'y suis habituée: personne ne semble vérifier les sources de ces affirmations (par ici l'iode, par-là la vitamine D ou le calcium). Sur la vitamine D, j'ai réalisé un petit dossier sur base de mes recherches de profane. Le pitch est qu'aucune étude d'intervention n'a prouvé un effet positif sur la santé. On observe une augmentation des taux sanguins, ce qui est logique quand on surdose la complémentation en vitamine D, mais pas d'amélioration sur la maladie qui était prétendument due à ces carences.
C'est du bon sens, voyons: pourquoi continuer une prescription qui n'améliore pas la santé? Eh bien, par religiosité, tout simplement. La médecine n'est pas exempte de pensée magique! Tant du côté des patients que du côté des praticiens.
Lorsque j'animais encore des séminaires, je ne relayais un livre sur la nutrition par un médecin qu'après avoir vérifié toutes ces sources et les avoir croisées. Je n'ai pas le souvenir d'un seul qui n'ait pas fait du cherry-picking au sein de la littérature scientifique (càd sélectionner les études qui confortaient son discours, sans proposer de vision contraire). Très souvent, au contraire, l'auteur se référait à l'une ou l'autre étude dont le contenu contredisait ce qu'il annonçait ;) Cela fait longtemps que l'aura du médecin n'éclaire plus fort mes décisions en santé.
Nous, patients lambda, sommes donc face à cet état de fait: des médecins conventionnels qui n'ont aucune formation ad hoc découvrent avec joie des produits dits naturels. Grand bien leur fasse. Mais ils les prescrivent comme des Robocop. Dans le monde holistique, on sait que tout dépend du terrain de la personne, qui peut grandement différer de l'un à l'autre et même chez une même personne, en fonction des circonstances et des saisons. Ces praticiens traitent les patients comme s'ils étaient des tracteurs, pour filer la métaphore du terrain. Ces complémentations demandent infiniment plus de subtilité.
Dans le dossier de ce blog "Choisir l'assiette selon son profil" (https://taty.be/choisir/ ) j'envisage aussi comment choisir la mouvance médicale qui nous serait optimale. Je n'ai aucune ambition de freiner cette tendance, mais j'aime la souligner, car dans le monde actuel d'immense chaos informationnel, on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi. Or, un patient ne peut prendre de décision en conscience qu'en sachant ce que chaque mouvance parmi les praticiens peut lui apporter.
Je ne critique jamais une posture de foi, chacun trouve la sienne où il le peut et le veut. Mais, amoureuse de la raison, je voudrais savoir quand je lis une info rationnelle et quand je suis face à des mantras.
Perso, je n'écoute RIEN de naturo qui vienne d'un conventionnel. A quelques exceptions près, ils sont d'un lourd! Je les suis pour la grosse artillerie, dans les cas d'urgence. Je les ai suivis sur la critique de la gestion covid, merci pour leur courage. Mais je préfère écouter un naturo ou un homéo pour tout ce qui a trait à l'hygiène de vie quotidienne, aux soins chroniques personnalisés, en finesse.
Chacun à sa place et les vaches seront bien gardées 😉