Mon ton griffu dans le billet d'hier "veganisme: le canal hystérique" tient à ce que les gourous de l'extrême me chiffonnent, qu'ils soient du monde vegan ou du monde paléo/cétogénique. Un cycliste annonçait avoir été dopé "à l'insu de son plein gré", créant ainsi une formule devenue courante en français. Ces gourous dévient la nature de chacun pour les doper à leur insu. Probablement de bonne foi, ils semblent convaincus de leur bon droit à l'instar des missionnaires chrétiens que nous avons connu en Afrique centrale et dont la plus percutante représentation est de la main de l'ami Hergé: un missionnaire face à un petit gars noir en haillons lui fait la leçon et la lui martèle à coups de crucifix sur la tête. Image à retrouver, si moulinsart le permet.
Au passage, qui croit que je ne critique que les gourous vegans peut faire un petit tour dans un précédent billet ici. L'ami Westman aura aussi son petit costard, un de ces jours. Je n'ai rien contre l'un ou l'autre système, ce sont les généralisations abusives qui me chatouillent...
La nutrition me chaut peu, en soi. C'est ce qu'elle peut réaliser dans le coeur et le cerveau de l'homme lorsqu'elle est bien ciblée qui me fascine. Merci à tous les conseillers, doux ou radicaux, d'aider l'humain à drainer ses cellules engorgées, asphyxiées, intoxiquées qui l'empêchent de raisonner ou de méditer clairement. Dès qu'il s'est libéré des scories internes, qu'il a rétabli le flux dynamique entre ses neurones et ses organes, à tous les niveaux, l'homme s'ancre mieux, certes. Mais je suis loin de remercier ces gourous quand ils dévoient l'humain de sa physiologie propre, de son devenir soi nutritionnel (voir mon long billet). Ce n'est que lorsqu'il est en droite ligne avec sa nature profonde, qu'il est léonin dans sa posture et ses choix qu'il peut - enfin! - penser plus large et... s'intéresser - enfin! - à l'autre. Par exemple l'autre sous la forme de notre chère mère terre, le seul être qui compte à mes yeux si on me demande "qui veux-tu sauver?". Ce n'est pas en suivant aveuglément un discours fermé et peu documenté que l'on peut se reconnecter avec son être profond.
Petit détour sociologique pour m'expliquer comment la mode vegan peut prendre à ce point en France, alors que ce mode n'est pas efficace sur le terrain (durablement), n'est pas soutenu par des études et n'a été pratiqué par aucune société longève avant nous - les trois critères de mon filtre nutritionnel: terrain/science/historique. Je passe sur les arguments évidents de confusion actuelle (qui peut encore juger de la fiabilité des énonceurs sur le net?) et du désir de se démarquer face à la génération précédente, la fameuse querelle des Anciens et des Modernes (bcp de vegans apprentis sont très jeunes). Je vais risquer une autre ouverture.
Ce pays entier a une force d'attachement aux valeurs, une colonne vertébrale dense et fière, que l'on rencontre dans peu d'autres contrées. Glaive à double tranchant, car cette force peut les scléroser. Pensons "France, coeur de la gastronomie mondiale". Combien de fois n'ai -je entendu: "Ah mais nous on mange déjà très sainement, des produits du terroir, et blablabli" dans la bouche d'un péquin qui en fait se nourrissait de produits semi industriels (libellés "nature" certes, mais qu'est-ce qu'une étiquette?), qui ne variait pas les menus, sursucrait son quotidien, surconsommait de la viande ou de la volaille et sous-dosait le quotidien en végétaux frais?
Pour sortir un sujet de cette gangue de surconfiance en soi, des effets de manche considérables s'imposent: le vegan ou le cru ou le cétogénique radical, ce qui équivaut en éveil de "conscience de l'autre" au fait de vivre et travailler dans un pays très lointain, au sein des autochtones. En pratiquant ces modes nutri excessifs, le mangeur se rendra compte que "tiens, non,finalement, je ne mangeais pas si sainement que cela".
J'utilise d'ailleurs ces voies en cures dans mes topos, cures qu'un mangeur mènera de quinze à trente jours sous une forme d'excursion vers d'autres sensations au monde, cures qui l'aideront à trouver ce qui lui convient, ici et maintenant, au-delà d'un régime imposé.
La cure antifatigue pour l'équivalent du cru hypotoxique (en plus doux que le vegan cru maigre, car je ne peux m'empêcher d'arrondir les angles, je me suis fait tant de tort avec ces régimes extrêmes moi-même que j'ai la prétention de protéger mes congénères); la cure Full Ketone pour l'équivalent du cétogénique; la cure Retour au calme pour l'équivalent individualisé de la paléo, etc. etc.
Ces modes extrêmes sont par ailleurs des passages obligés pour sortir de l'univers des moutons (voir vidéo - ou lire billet/transcription de la vidéo). Ils devraient rester cela: des passages! Et non un régime de croisière. La plupart des pratiquants s'en rendent d'ailleurs compte. Selon Daniel Vitalis, ex-prêtre du vegan cru aux States, 98% des mangeurs quittent cette mouvance rapidement, car les habituels effets positifs qui se manifestent au début se tassent après quelques mois pour ... devenir des inconvénients. En paléo de l'extrême, j'ai peu de documentation, à part mes propres contacts dont la plupart en sont arrivés à une paléo free-style (càd avec des croissants le dimanche...).
Eh oui, au début, le mangeur se lave des scories accumulées par la malbouffe à l'américaine ou l'hyperbouffe à la française (pétés de protéines, cinglés de sucres, pains et fromages à tous les étages, etc.). Mais petit à petit, des carences se font jour, ce qui est normal puisque ces modes excessifs sont basés sur des inventions. La fatigue s'installe, avec ses compagnes frilosité et humeur instable. Pleins de petits bobos surgissent et s'amplifient si le mangeur persiste.
Pensons aussi au côté asocial des ces pratiques, qui restreignent le mangeur à un tout petit club d'amis, que ce soit l'association vegan du magasin bio du coin ou le club Crossfit des paléos. Petit club assez fermé et, par là, sclérosant. Tiens, on y revient par la bande.
Un groupe tient par le positif autant que par le négatif. Ces amis entretiennent leurs liens dans l'horreur du gluten et des laitages, en général, ou dans l'effroi de la viande - tous ces "ennemis" qu'il faut bouter hors de soi. Les plus à gauche d'entre eux se rendent rarement compte qu'ils pratiquent ainsi en nutrition l'inverse de ce pour quoi ils militent au quotidien, car ils nous font du marine le pen pur jus - "tout est la faute des émigrants, tiens! Jetons-les et tout ira mieux". Tout est la faute du gluten ou de la viande, évitons-les et tout ira mieux. Posez-vous un instant et revoyez votre posture avec un oeil politique, ça ne sent pas son petit facho?
Même sans être une libertaire comme moi, on est loin du vivre en conscience, reconnaissons-le...