Sur le même ton que le billet "Penser l'intolérance aux laitages " et conjointement à l'infographie ad hoc.
Vous vous pensez réactif au gluten, car depuis que vous avez décidé de manger sans gluten il y a deux mois, vous sentez une différence. Etes-vous sûr que le gluten était responsable?
Il est rassurant de se rattacher à une famille de coeur. Dans le monde bio, le rituel veut qu'on mange sans gluten. Je vous comprends mais à un moment, après avoir passé quelques semaines à quelques mois de ce sevrage bien naturel dans une société de surabondance, posez-vous la question: "faut-il continuer à manger sans gluten"?
Vous vous sentez certes mieux, mais vous pouviez avoir été victime de surconsommation, ce qui n'est un conditionnel qu'hors de France. Mes amis français mangent du pain trois fois par jour, tous les jours de la semaine... Vous avez bien fait de pratiquer une petite pause.
Reprenez la dégustation des produits ci-dessous, mais une pause régulière sera la bienvenue: une semaine de temps en temps, ou deux jours par semaine sans gluten (voir aussi ci-dessous).
Vous pourriez avoir une flore intestinale si déviante que vous ne digériez plus les fodmaps, ces fibres fermentescibles (Fermentable, Oligo-, Di-, Mono-saccharides and Polyols), qui sont présentes entre autre dans les produits à base de blé tout-venant, et dans les aliments surmanufacturés. L'arrêt de ces produits a calmé la flambée intestinale qui était peut-être à la source de l'inflammation. Etude clinique à l'appui, ce sont plus les fodmaps que le gluten qui provoquent des troubles digestifs.
La fermentation longue du pain (mode levain ou
ma variante Mi-mi) décompose les fodmaps.
Vos intestins étaient peut-être fragilisés momentanément, pour de multiples raisons (mauvais choix diététiques en général, que vous mangiez tout-venant ou que vous ayez choisi un plan végé qui ne vous convient pas). Vous avez ressenti un bénéfice car vous avez arrêté de manger des pains trop fibreux, comme du pain aux sept céréales en bio; ou du pain complet non bio, qui peut contenir du son ajouté. Bizarre, mais quand on ajoute du son à une farine (au lieu de garder un peu de son originel dans le tamisage), le son devient une râpe à intestins. Pas d'étude clinique, mais une longue observation des naturos.
Reprenez le pain et les pâtes au gluten mais dans leur version blanche, en bio.
Il se peut que vous ayez été réactif au pain et non aux pâtes, avant de passer au sans gluten radical. Dans ce cas, posez-vous la question si votre intolérance ne provenait pas s de la qualité de la levure utilisée. Depuis une dizaine d'années, il est devenu courant d'employer des levures manipulées génétiquement en boulangerie. Anodin, disent les autorités, mais non testé sur l'humain, disent les mêmes autorités. Sur le terrain, il se pourrait que votre flore intestinale ne soit pas d'avis que ces levures soient anodines. Manger du pain au levain n'est pas une solution puisque la réglementation autorise 2% de levure.
Vérifiez votre réactivité possible aux levures en faisant votre pain vous-même avec de la levure Rapunzel (bio). Avec la recette rapidissime du pain sans pétrissage, par exemple.
La réactivité au gluten cache parfois une réactivité aux innombrables adjuvants des pains, comme les amylases, le gluten ajouté, etc/ Composition d'un pain du commerce: « farine enrichie (farine de blé, farine d’orge maltée, fer, niacine, mononitrate de thiamine, riboflavine), eau, son de maïs, sirop de fructose, gluten de blé, farine complète de blé, son de blé. Contient 2% ou moins de chaque ingrédient suivant : mélasse, levure, huile de carthame et/ou de soja, sel, farine de soja, gomme de guar, sulfate de calcium, conditionneurs de pâte (qui peuvent contenir l’un ou l’autre des ingrédients suivants : stearol de calcium et sodium, lactylate, ethozylater, mono- et di-glycérides, phosphate de monocalcium, carbonate de calcium, phosphate dicalcique, phosphate de diammonium et/ou sulfate d’ammonium, propionate de calcium ». Ou vous aviez une sensibilité particulière à l’acide propionique, qui est souvent utilisé comme conservateur sous l'appellation E280 dans les pains, les gâteaux et les fromages industriels. Or, cet acide altère des processus biochimiques complexes au plus profond des cellules. En arrêtant le gluten, vous avez arrêté de vous intoxiquer avec ces innombrables sous-produits.
Après la juste pause que vous avez pratiquée, testez du pain bio, à la levure ou au levain, provenant de chez un artisan ou boulanger que vous connaissez et que vous pourrez interroger.
Vous étiez réactif au gluten du blé tendre (le pain) et non à celui du blé dur (les pâtes).Ou vous étiez sensible au blé et non aux autres farines panifiables, comme l'épeautre, qu'il soit petit ou grand.
Retestez des pâtes blanches bio pour vérifier votre "intolérance". Ou testez du pain d'épeautre bio, en petite quantité. Seul votre propre corps vous dira ce qu'il peut supporter.
Vous étiez (et êtes encore) peut-être très fragilisé sur le plan organique : carence en minéraux, en hormones, paroi digestive endommagée, ce qui entraîne une insuffisance en enzymes digestives - ce qui peut arriver si vous avez mangé tout venant ou si vous avez pratiqué des exclusions en cascade comme le monde du bio les aime.
Remettez tout ça sur pied, et tiens! vous serez surpris de découvrir que vous digérez très bien le pain bio, au levain, ou le pain fait maison. Ainsi que les pâtes et les desserts classiques, avec gluten.
Vous êtes peut-être un canari de la modernité (mon appellation), ces personnes hypersensibles, à la biochimie particulière (une portion infime de la population), chez qui les produits à gluten semblent poser souci de manière permanente. Observations, sans études cliniques et sans même aucune hypothèse qui tient vraiment la route au plan scientifique. Il se fait que, par mon historique propre, j'ai été confrontée à un nombre très élevé de ces cas.
Vous êtes bien les seuls mangeurs qui devez, peut-être, continuer à manger sans gluten et sans laitage ou tout au moins à n'en consommer qu'une fois tous les trois jours. "Peut-être"! Je ne suis pas le seul canari de la modernité de naissance qui se régale de l'un et de l'autre, sans souci depuis que je me suis remise sur pied.
Vous voyez qu'il y a bien plus de responsables possibles de nos désordres actuels que "le gluten". Un de mes amis se déclare "intolérant au sans-gluten". A méditer... Je ne vois pas l'intérêt de s'établir en camps opposés. Plutôt que de gâcher les soirées entre amis en refusant les plats ou, pire, en demandant que vos amis vous cuisinent des versions sans gluten, rabibochez-vous avec nos traditions séculaires en consommant du pain, des pâtes, des gâteaux, des pizzas confectionnés dans les règles de l'art ancestral, avec des nourritures vraies, le minimum minimorum d'ingrédients. Le pain, par exemple, exige de l'eau, du sel, de la farine, du levain ou de la levure. Basta.
Prévoyez des journées alternatives où vous vous la jouez thaïlandais (riz) ou aztèque (quinoa). Ne tombez pas dans le piège des pains industriels sans gluten, dont la liste des ingrédients fait frémir tout nutritionniste bienveillant. Ne tombez pas non plus dans l'hystérie anti-gluten qui consiste à étudier toutes les étiquettes lors de vos achats et à éviter tout ce qui contiendrait éventuellement, peut-être, des amidons type gluten. Ce ne sont souvent que des additifs de texture, ajoutés en petites quantités. Vous n'êtes pas franc allergique et vous ne ferez pas un choc majeur à manger quelques molécules de gluten. Les francs allergiques n'ont pas besoin de mes textes...
Soyez très parcimonieux avec le millet, qui a des propriétés antithyroïdiennes, malvenues aujourd'hui que près de la moitié de la population féminine souffre de cette glande. Soyez aussi prudent avec le maïs, pourtant sans gluten, et pourtant le meilleur substitut gustatif au blé dans les gâteaux et les crêpes. Il semble être un réactogène chez beaucoup de personnes sensibles (résidus de sulfite de l'indispensable traitement pour le rendre digestible? qui saura?).