taty lauwers

cuisinez selon votre nature

en quête d'un devenir-soi nutritionnel

Interview de Robert Masson sur le veganisme cru

Trois grands noms en diététique naturo francophone: la doctoresse Catherine Kousmine, André Passebecq et Robert Masson. Quiconque se targue d'alternutrition doit avoir lu ces trois auteurs. Votre coach potentiel ne les connaît pas? Ou pire, il les réfute? Kfoui! Ne lui donnez pas votre bel argent, c'est probablement un des gouroutinets du web qui profite de votre naïveté et de la grande confusion qui règne en cet an mil.


Robert Masson fut élève et collaborateur de Valentin-Pierre Marchesseau, le papie de la naturo en France. Fort de son expérience de terrain à ses côtés, il a pu se rendre compte des failles de la théorie originale d'une "alimentation spécifique et naturelle". Il a ouvert sa propre école, le "Centre Européen de Naturopathie Appliquée", pour enseigner sa vision, basée sur les faits et l'observation rigoureuse de ses patients. Super! Un autre mental rigoureux, comme la doctoresse Kousmine qui avait testé ses théories sur des milliers de souris avant de s'avancer à conseiller des humains.

Lecteur de passage sur mon blog, si votre intention diététique n'inclut pas la recherche de rigueur et de confirmation factuelle, passez votre chemin. Vous perdriez votre temps chez moi. La recherche d'un devenir-soi nutritionnel peut passer par des chemins liturgiques ou gouroufiés, mais je ne pourrais vous aider sur ce plan. Je n'ai pas choisi cette voie-là dans cette vie-ci. Je ne m'intéresse qu'aux conseilleurs qui grandissent les mangeurs, les verticalisent, leur donnent les clefs de leur propre bien-être et qui peuvent justifier leurs dires par des résultats probants sur le terrain -  résultats qui doivent tenir sur la durée, cela s'entend.
Je valorise au-dessus de tout l'intelligence du conseilleur et du conseillé. Et le respect de soi et des autres: que puis-je faire pour aider quelqu'un qui respecte assez peu son corps pour lui faire subir pendant de longs mois des techniques absurdes et l'en fragiliser au point que les plus pointus des praticiens n'arrivent plus à le requinquer?  Sans avoir vérifié avant de commencer si son gourou n'était pas un tartuffe?

Je publie ce billet à la faveur d'une très généreuse interview de Robert Masson, parue en ce début juillet 2016 sur youtube. En deux épisodes:



Le reporter y interroge Robert Masson sur la validité des énoncés des vegans crus. Quel courage pour un homme âgé de 85 ans de répéter pour la cent millième fois la même chose, sachant que la plupart des enflammés n'entendent même pas sa logique. Si l'on sent parfois de la tension dans sa voix, cela se comprend. J'ai animé une conférence avec Masson au motel de ma petite ville de province, en binome, vers 2000; il n'était pas nerveux à ce point là.  Cela fait des années qu'il voit en consultation les dégâts de ces pratiques insensées, des années qu'il les dénonce, des années que les pratiquants ne l'écoutent pas...

Il n'est que de lire le parcours de Sirenebio qui récemment, très honnête, a relaté comment elle s'est fourvoyée dans le vegan cru pendant de longs mois. Fragilisée, abîmée, elle n'a pourtant pas voulu entendre la parole de ce sage qu'elle a consulté. J'ai connu de longues plages suicidaires dans ma vie d'avant, je peux donc comprendre ces profils plus tentés par thanatos que par éros. Mais je me garderais de lire leur parcours avec un oeil seulement diététique. C'est l'être qui est malade, pas le ventre...


C'est d'ailleurs le titre d'un des ouvrages de Masson, chez Testez, 2008 (144 pages): "Dérives nutritionnelles et comportement suicidaire" - livre dont de larges extraits sont disponibles en feuilletage. C'est à se demander si les vegans, crus ou pas, ont des yeux pour lire avant de suivre les joueurs de flûte de Hamlin?

Ces deux vidéos sont essentielles pour les praticiens qui voudraient aider les rescapés à s'en sortir, car ils y trouveront cent et un arguments pour contrer les inepties des vegans crus, théories de pure invention dont il reste souvent des reliquats dans la mémoire des victimes. Il est remarquable de la part d'un Robert Masson de prendre le temps de répondre à ces enfantillages. Il est comme un professeur de faculté à qui l'on demanderait de commenter "ce que ma coiffeuse m'a dit de la psychologie".

L'appel du cru et du vegan est un appel rituel et non une recherche nutrimentaire. Voir mon billet sur le sujet à la date du 10 juillet.
Les arguments intellectuels n'ont que faire face à ces dérives, vous ne serez pas entendus. Je m'adresse aux praticiens qui reçoivent les mangeurs **à la sortie** du labyrinthe. Et non tant qu'ils y sont encore enfermés. Tant que le mangeur est en faim liturgique, il est inutile de le forcer à sortir de ses comportement sectaires. Le mot est choisi car on est dans le cas de figure des victimes de sectes, il faudrait utiliser les mêmes techniques pour les réinsérer dans la société, pour leur redonner la dignité perdue dans l'amour d'un manipulateur; ce qui est au-delà de l'intention des praticiens de l'alimentaire.

Masson voit midi à sa porte bien sûr, il défend sa vision propre de la diététique alternative. Pour le reste, quasi tout est posé, juste, réfléchi, informé et surtout riche d'expériences sur le terrain - diamétralement opposé aux blondes du cru et au Méllifu, qui n'en appellent qu'à l'irrationnel du cerveau de chacun: la volonté de pureté, la peur du toxique, le rejet de l'animal en nous, le désir de paraître sans se questionner sur l'être profond, la paresse intellectuelle (mais qui donc lit encore dans cette mouvance? qui utilise ses neurones?).

Bizarrerie, je ne comprends absolument pas le discours de Masson sur le soja cru. Mais c'est du détail.

Il insiste à plusieurs reprises sur les mensonges des maîtres, qui mangent en privé ce qu'ils démonisent en public. Je pourrais citer tout autant de cas de tricheurs en Belgique, mais à quoi bon nourrir des polémiques. Le seul conseilleur belge qui soit, à ma connaissance, totalement en accord avec ce qu'il prône est Pol Grégoire (alimentation vive). Aux Etats-Unis, le délicieux Daniel Vitalis, ex vegan cru pendant dix ans, ne dit pas autre chose, avec le sourire, sans citer tous les grands noms qu'il a fréquentés lorsqu'il prêchait le crudisme.

J'aurais aimé entendre une question, de la part de l'intervieweur qui pour le reste avait super bien ratissé le domaine: comment faire pour requinquer un crudivore abîmé? Ma petite expérience: c'est une procédure longuissime, aussi longue que chez les anorexiques au long cours. On dirait que ces crudis ont cassé pas mal de manettes organiques au passage. Il est plus long et plus ardu de les requinquer que  de réorienter un malbouffant de base. Imaginez!

Avec son expérience sur le terrain, Robert Masson doit avoir développé des techniques plus avérées que les miennes pour réinformer le corps après ces dures initiations. Cher intervieweur, vous penserez à compléter l'entrevue?

En tout cas, mille merci à l'équipe tout autant qu'à Robert Masson pour ce travail de décodage, qui pourra peut-être aider les amateurs à ne pas tomber dans les rêts de l'un ou l'autre système à la dérive, dérive qui nuit autant à la personne qui le pratique qu'à la naturopathie à laquelle on l'associe.

Lire aussi le billet sur le livre "Diététique de l’expérience de Robert Masson"

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