Je continue ma série de billets sur le monde de l'alternutrition et la rupture de tolérance. Il y a dix ans et plus, en nourrithérapie (terme créé par la délicieuse Véronique Bourfe Rivière), on se plaignait de parler dans le désert: en France en particulier, peu de réaction face à notre annonce de la puissance thérapeutique des aliments vrais. Aujourd'hui, on se plaindrait presque de ce qu'une alimentation saine soit survantée, de ce qu'on croit que tout peut se résoudre en changeant son assiette (et rien d'autre de son hygiène de vie...) et de ce qu'à l'inverse, certains aliments sont réputés provoquer des effets secondaires - ce qu'on nomme généralement en alternutri: les intolérances. Yiiiiks! Je continue à frémir en écrivant ce terme, si chargé de connations sociales nationalistes, terme que j'ai changé dans mes textes en "réactivité" ou "hypersensibilité"; les aliments incriminés étant intitulés "réactogènes" dans mes livres.
Il serait vain de nier que certains d'entre nous sont effectivement victimes de réactivités subtiles à certaines catégories d'aliments. Mais aujourd'hui il devient difficile pour un coach ou un auditeur de raisonner, de discuter, de creuser un cas avec un mangeur qui le consulte et qui "croit" aux "intolérances". C'est l'arbre qui leur cache la forêt. Les réactivités ne s'installent QUE sur un terrain fragilisé par la pollution (chimique ou électromagnétique) ou par des chocs de la vie répétés (voir les cas de burn-out réels). Elles dérivent TOUJOURS d'une fragilité intestinale telle que la paroi ne protège plus l'organisme de l'invasion d'intrus indésirés (on va dire en profane qu'on retrouve dans le sang des amas molécules de viande, de kiwi, de pain... qui ne devraient pas s'y trouver). Le mangeur en question peut se concentrer sur son ou ses réactogènes et s'organiser une assiette sans ceci, sans cela. Il ne résoudra rien: c'est l'équivalent de s'enfermer dans un placard pour ne pas voir le monde tel qu'il va.
Je ne sais pas exactement d'où provient cette déviance: penser qu'une inflammation chronique n'est pas due à un déséquilibre général des forces en présence, mais bien d'un petit troublion particulier. Est-ce dû à la mode des tests sanguins? J'entends bien que quantité de médecins nourrissent cette piste des "intolérances", mais soyons réalistes: ne touchent-ils pas des commissions des labos qui réalisent les tests à Igg?On est humain, n'est-ce pas... Leur aura de docteur ne devrait pas cautionner cette piste, qui n'est qu'anecdotique et que je vois fleurir comme explication de l'alpha et l'omega de la fragilité actuelle.
Je suis bien catégorique, n'est-ce pas? J'ai de bonnes raisons: je suis à la retraite, mais quand j'auditais, je n'ai pas rencontré un seul cas de mangeur qui aie eu le coeur de me faire confiance et qui doive continuer les exclusions alimentaires s'il se ressourçait à la base et s'il pratiquait les rotations alimentaires quand il avait une catégorie particulière qui posait souci (je pense aux salicylates, entre autres). Les cures d'exclusion que je préconisais dans certains cas duraient quinze à trente jours maximum, au sortir desquels le mangeur variait son assiette, pratiquait les rotations et se ressourçait en choisissant de préférence des nourritures vraies. Par périodes, il pratiquait de courtes répétitions de la cure, ou de courts jeûnes. La seule exception: les jeunes enfants que j'appelle les "canaris de la modernité" et qui ont déjà vécu quelques années avant que l'on ne repère ce phénomène. Résultat: il leur faut tenir l'éviction un peu plus longtemps qu'un mois. Mais c'est un cas anecdotique.
Aujourd'hui, parlons de sulfites, benzoates et autres réactivités des mangeurs atypiques, hypersensibles. Je copie/colle un extrait du topo expert à paraître "Repenser l'assiette du mangeur atypique". Notez bien que j'y signale "les hypersensibles de grade III": ce sont les malades chroniques dont les réactivités premières ont été niées (salicylates, amines, etc.) ou dont les fragilités sont bétonnées par de la polymédication; et dont l'organisme continue de crier à l'aide en ajoutant des hypersensibilités à d'autres catégories. Je ne suivrais donc la piste des sulfites et des benzoates que chez les hyperfragiles de grade III, souffreteux depuis longtemps, en général depuis l'enfance.
Je sais que je prêche un peu dans le désert, il n'est que de voir le peu de succès d'un de mes petits livres: Gloutons de gluten, où j'explore la piste des réactivités, les forces et les limites de cette théorie. On n'a peut être pas envie d'entendre un discours du juste milieu?
Cas assez rare, certains hyperfragiles ont développé des surréactions à la liste complète des additifs que j'incrimine comme agressifs pour un canari de la modernité (liste primaire et liste secondaire, voir dans le livre). Pour ces cas précis, le test de quinze à trente jours de Mes nerfs en paix n’est pas probant s'ils n'omettent pas les benzoates et les sulfites en plus des CAPEBE de base.
Les benzoates (E210 à E213) sont présents dans des aliments industriels, mais les surréacteurs réagissent parfois aussi à l’acide benzoïque de certains aliments naturels. On en trouve dans certains fruits (pommes, abricots, baies, cerises, raisins, prunes, fraises), certains champignons, les tomates fraîches, les bières, le thé noir ou vert, certains yaourts, la cannelle, la réglisse, le clou de girofle, les grains de café, le miel, le tabac.
Les sulfites (E220 à E228) sont présents comme additifs mais un polyréactif pourrait être sensible aux sulfites dans les aliments fermentés, dans les protéines soufrées des œufs, des laitages, de la famille poireaux/ail/oignon et dans les choux.
Les plus fragiles des mangeurs (de grade III) ont développé une réactivité particulière aux sulfites alimentaires conjointement à tous les désordres précédents. Zut alors, une autre source ! ça ne s’arrête donc jamais ? Heureusement, cette réactivité semble dériver du fait qu’à la longue, à voir ses plaintes niées, le corps s’est petit à petit fragilisé. La réaction s’atténue fortement dès lors que le problème est pris à la source et que les réactivités principales sont prises en compte : dans le cas des canaris, à partir du moment où le mangeur suit quelques semaines les tableaux 1 à 4 (pages xx et suivantes), il semble devenir moins sensible aux sulfites, aux benzoates, etc. Comme s'il avait trouvé le maître chanteur de ses bloqueurs alimentaires (pxx).
Il ne faut pas effectuer de test spécifique, les mangeurs réactifs aux sulfites étant en général conscients de leur état. Les asthmatiques réagissent souvent à cette catégorie. Selon l’OMS, 30% des asthmatiques sont réactifs aux sulfites; selon les allergologues, ils seraient 70% à marquer des signes francs de réactivité - https://www.fedupwithfoodadditives.info/factsheets/Factsulphites.htm. Les autres symptômes classiques sont : maux de tête, troubles du comportement, éruptions cutanées, colites.
Rick Williams, un profane américain hyperréactif aux sulfites, a rédigé un site volumineux et détaillé sur le sujet. à lire avec curiosité, mais à prendre avec les pincettes habituelles. Bien que son site soit passionnant à lire, l’ami Ricky ne s’attache qu’à éviter les sulfites, sans égard pour les autres agresseurs ni pour une stratégie de ressourcement. Résultat ? Il devra suivre ce régime tout sa vie. Yiiiiks.
Les personnes sensibles aux sulfites savent qu’ils doivent éviter les vins sulfités (surtout le vin blanc), les charcuteries, les hachis de viande (souvent sulfités, d'où ma suggestion dans la plupart des topos d'acheter des aliments sous forme reconnaissable, comme une pièce de viande), les fruits traités aux sulfites (comme les abricots secs en non bio). Les plus fragiles sont souvent réactifs à d’autres sources de soufre, comme les fromages frais, surtout de lait cru, les œufs, les oignons, de faibles doses de sulfite dans les produits à base de maïs, etc.
Il existe aussi une gamme d’additifs : retenez la gamme de E220 à E228. E220 : Anhydride sulfureux - 221 Sulfite de sodium - 222 Sulfite acide de sodium - 223 Disulfite de sodium metabisulfite - 224 Disulfite de potassium metabisulfite - 228 Sulfite acide de potassium.
Ces additifs sont utilisés dans la majorité des produits manufacturés. La solution est simple : éviter les produits manufacturés. Simple à écrire, mais pas simple à pratiquer... Si certains canaris sont réactifs aux sulfites, ce n’est que la conséquence d’un foie mauvais détoxifieur. Oter les sulfites de leur assiette ne sera qu’un emplâtre. Il convient d’aider le foie à mieux détoxifier (par exemple à l’aide de chardon-marie) en même temps qu’on lève les éléments bloqueurs (polluants, additifs, etc., parfois salicylates ou amines). La réactivité aux sulfites peut disparaître assez vite.
Peut-on se fier à l’annonce du taux de sulfite sur l’étiquette d’un ingrédient? Hé non, hélas. Basons-nous sur un exemple australien. Les adhérents du site australien de Failsafe ont effectué une recherche sur les doses réelles de sulfite dans les hachés de viande et les charcuteries, à l’aide d’un kit de test ménager (que l’on peut acheter là-bas en pharmacie). Il s’avère que 43% des hâchés vendus en Australie, Nouvelle Zélande et Suède contiennent des sulfites interdits à des taux suffisants pour provoquer des crises d’asthme (résultats sur 65 boucheries - source: https://www.fedupwithfoodadditives.info/features/sulphites/sulphites.htm
Si une réactivité est soupçonnée, dosez au minimum les aliments de la liste qui suit, pendant 21 jours, le temps d’observer les effets sur le métabolisme. Ou, plus simple, effectuez le test du pouls selon le docteur Coca (voir pxx) lorsque vous mangez ces aliments. Si le pouls n'augmente pas, vous n'êtes probablement pas réactif. S'il augmente de plus de 16 pulsations 30 minutes après le repas, il convient de creuser cette piste.
Évitez, le temps du test :
NB. Hélas les sulfites ne sont pas toujours indiqués sur l’étiquette du produit; ils peuvent avoir été utilisés ou générés dans la fabrication des produits à une autre étape (c’est le cas des dérivés du maïs). à vue de nez, 70% des produits manufacturés que consomme un enfant d’aujourd’hui contiennent l’une des formes énumérées ci-dessus.
Observez vos réactions avec les aliments sains, sources mineures de soufre, comme
Témoignage de la maman de Jeanne, dont le long parcours de recherche est publié sur le site. « Plus qu’à un aliment en particulier, Jeanne est intolérante à l’industrialisation et entre autres à l’exhausteur de goût que l’on retrouve partout : le glutamate. Nous revenons d’un beau voyage au Canada où les repas pouvaient être un enfer dans certaines petites villes où se côtoient les motels et les chaînes en tout genre. La plupart du temps rien ne convenait au menu, je commandais donc un morceau de viande et des légumes pour Jeanne, mais, de jour en jour, les douleurs abdominales s’intensifiaient. Le retour s’est très mal passé. Jeanne a pleuré durant des heures. Elle avait très mal avec des pointes au niveau du colon (gauche). Je me suis rendue compte le dernier jour que les steaks sont badigeonnés avec des sauces brunes… bourrées d’exhausteur. ça s’est aussi vérifié à l’école lors d’un atelier de cuisine. Jeanne a bu de la soupe au plantain dans laquelle il y avait un cube de bouillon. L’institutrice a vite regretté son geste en voyant Jeanne se gratter les bras et les jambes. Je me souviens aussi d’autres cas très clairs quand elle était plus petite. »
Jeanne étant une petite polyréactive très fragilisée depuis la naissance, il est normal qu’elle hyperréagisse à toute la collection de réactogènes des canaris. Ces cas sont encore heureusement rarissimes en Europe. La plupart d’entre les multiréactifs devront cibler l’une OU l’autre des catégories annexes à nos trois sources principales (solvants, CABEPE*, salicylates* ou amines*) et non l’ensemble, qui comprendrait aussi les sulfites*, les benzoates*, les glutamates*, etc.).
Il m’a fallu longtemps pour appréhender la complexité des réactions de ces mutants que sont certains hypercanaris. Le premier réflexe est de s’engouffrer dans la piste des allergènes. J’ai été moi-même piégée un temps, pour mon cas perso. En persistant à suivre toutes les fausses pistes, on finirait par écrire tout un livre composé de tableaux « sans sulfites », « sans benzoates », « sans gallates », etc.