15.11.24 La mode américaine du carnivorisme nous obscurcit le discernement. En temps d'excès, on oublie de bons vieux outils comme Nouvelle flore (SCD en anglais), ou même le recours à de simples nourritures vraies. Je m'adresse ici à ceux qui préfèrent un chemin "doux et respectueux du corps" plutôt que "rapide et en force" .
Je lis sur tw: "Un végane victime de la maladie de Crohn devient carnivore et 7 mois plus tard tous ses symptômes ont disparu".
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A quoi je répondrais ceci,si j'avais le moindre espoir que des tenants du carnivorisme lisent: 80% des Crohns qui pratiquent le régime SCD* pendant quelques mois sont asymptomatiques sans médicament (30 ans d’expérience par des centaines de milliers de personnes). Les effets du régime se marquent chez eux dans le premier mois, il ne faut pas attendre sept mois ;)
Pousser le bouchon jusqu'à la diète carnivore indique un manque de culture générale en nutrition de la part du médecin ou du coach.
NB * Le bon vieux SCD, avant qu'il ne soit dévié par des suiveurs: SCD = Specific Carbohydrate Diet; en français RGS = Régimes des Glucides Spécifiques. Je l'ai européanisé en "Nouvelle flore"
Mon meilleur plan perso est la carnivore en tant que régime alimentaire temporaire lorsque j'ai une grippe, une blessure, etc. Je suis l’un des rares profils de Taras Bulba à qui cette diète convient, diète que j'appelle "ma monodiète au steak".. Selon mon expérience sur le terrain pendant quinze ans, j'évalue au doigt mouillé: UNE personne sur cent parmi les malades - et donc, bien moins parmi la population générale. Pour tout autre mangeur, la carnivore n’est PAS aussi équilibrée que le Nouvelle flore. Lorsque je suis moins atteinte, je pratique d'ailleurs Nouvelle flore plutôt que la carnivore,
Le régime Nouvelle flore (c'en est un! ce n'est pas un plan permanent...) contient assez de glucides sous la forme de fruits et de légumes pour ne pas provoquer d'entrée en cétose, ce qui n'est pas anodin sur le long terme; et pour ne pas provoquer de carences en enzymes, ce qui peut aussi s'avérer délétère si on pratique ce mode longtemps. Tenue sur un ou deux ans (ce qui est la norme pour les malades graves de Crohn ou RCUH), cette diète provoquera à coup sûr une carence en amylase, sans plus. Mais primo, les victimes de ces maladies étaient peut-être déjà carencés en amylase (voir ci-dessous). Mais secundo on peut vivre heureux et sain sans l'amylose des farineux.
Dommage que, tout comme la cétogène, qui est une cure extra pour certains cas, mais pas pour tous, cette mode Carnivoria obscurcisse la vraie nutrition non conventionnelle, bien informée. A ce jour je n'ai trouvé AUCUNE voix médicale autorisée parmi les carniphiles; personne qui connaisse vraiment la nutrition. Je vois des débutants, qui mélangent les concepts , font du cherry picking dans les études, ou voient midi à leur nombril. Je calque cette expression calquée sur "voir midi à sa porte": ne juger qu'à partir de son propre intérêt, de son propre environnement. Je vous invite à lire ou écouter par exemple le docteur Shawn Baker, qui est tenu comme gourou du carnivorisme et qui, tout sympa qu'il soit, est le roi de la confusione.
Lire aussi mon regard latéral sur un autre gourou de cette mouvance, le docteur Saladino qui, plein d'entrain à ses débuts, a produit un livre d'investigation qui est en réalité une vision très biaisée de la recherche.
Le recours unique au carnivorisme pour tous est le signe d'un manque d'éducation nutritionnelle. Imaginez un médecin qui, ébahi par les effets d'antibiotiques, les prescrirait à tous ses patients. Absurde, non? Chaque cure a des atouts et des inconvénients, et se prescrit selon un environnement et un contexte particulier.
Nouvelle flore est le régime optimal de recours pour les maladies autoimmunes des intestins comme Crohn et RCUH (au-delà d'autres paramètres de profilage), ainsi que pour les mucoviscidoses. Ceci est une exception à mon approche de profilage: on ne choisit pas le régime selon le profil du mangeur, mais selon sa maladie auto-immune. Ces malades doivent le tenir d'un an à deux ans pour se stabiliser et revenir à un mode alimentaire plus tenable sur la durée.
Avril 2024. Je viens d'apprendre chez le docteur Georges Mouton, qui les utilise beaucoup, qu'on peut cibler aussi les profils selon des génotypes.
Il me semble qu'un profil particulier serait adapté à la pratique de Nouvelle Flore (ou de la paléo) en permanence: le génotype carencé en amylase (AMY1A), que l'on peut faire repérer par des tests géntiques. Il indique la capacité du mangeur, de naissance, à décomposer les aliments contenant des amidons au cours de la première étape de leur digestion. Plus on mange de féculents, plus il faudrarit de copies du gène pour pouvoir les métaboliser sans fermentations. Selon les cas, il faudrait donc soit fortement réduire les doses de farineux (l'assiette omnivore de mes Nourritures vraies), soit les éliminer tout à trac (Nouvelle flore ou la paléo).Le docteur Mouton est une des têtes de proue de cette nouvelle médecine holistique qu'on appelle "fonctionnelle". La médecine fonctionnelle est une approche systémique de l’individu qui recherche la cause des symptômes ou dysfonctions du corps avant qu’ils ne deviennent des pathologies établies. Le médecin fonctionne procède à une anamnèse environnementale, à l’étude des antécédents personnels et familiaux, à un bilan métabolique et à la recherche de carences ou d’excès micronutritionnels et hormonaux. L’ensemble des résultats lui permet d’établir des réglages fins, individualisés.
Nouvelle flore est si puissant que quantité d'autres malades chroniques l'utilisent aujourd'hui. Lorsque je les trouvais adaptés à ce type de profil, je recommandais cette diète aux victimes de "candidose", fibromyalgies, maladies auto-immunes, etc. qui tenaient cette cure de deux à quatre semaines, avant de revenir au juste milieu. Ils la refaisaient de temps en temps, sur une période d'une quinzaine, pour remettre les boulons en place.
En cette première courte période, ils avaient pu évaluer ce qui, individuellement, leur convenait ou pas. Ils adaptaient ensuite leurs menus en conséquence, sans vraie exclusion permanente. En général, ils restaient en permanence à un programme de nourritures vraies, celui que j'appelle une Assiette Ressourçante.
Quant à l'Assiette Ressourçante, les moins pressés d'entre nous donneront d'ailleurs une chance à ce dernier mode alimentaire si traditionnel, si sociable: il faut le tenir six mois sans faiblir avant de voir des effets positifs s'installer sur la durée. Un petit coup de cure dure est mieux accepté dans notre société de l'urgence et du "tout tout de suite". Tout comme les médicaments sont livrés avec une notice incluant les effets secondaires, j'aimerais tant que les cures soient proposées aux mangeurs par les coachs en leur signalant les effets indésirables . L'Assiette ressourçante est le seul programme alimentaire dont je ne repère aucun effet collatéral délétère sur la durée.
Ceci étant posé, revenons au cas du végane carnivoré en rémission de son Crohn, ou du docteur Saladino. Si l'on pousse Nouvelle Flore dans ses retranchements, en omettant les fibres - ce qui exclut les fruits, légumes, oléagineux; ainsi que les salicylates; on arrive forcément à une cure "Rosbif Mayonnaise maison", l'équivalent de la diète carnivore. C'est d'ailleurs à peu près la teneur de la phase extrême de l'éviction des fibres prévue dans NF, cette cure de quelques jours à quelques semaines, que les praticiens peuvent mettre en place pour les cas les plus graves (décrite dans "Sortir de la cacophonie gastrique", afin que des mangeurs créatifs ne s'autoprescrivent pas cette progression).
Après sa première phase très carni, Saladino a d'ailleurs réintroduit des légumes, du miel, des fruits. Tiens, tiens, il a redécouvert Nouvelle Flore. S'il avait eu un peu de culture générale en nutrition (c'est rare, je l'accorde, on est facilement monomane dans ce domaine), il aurait pratiqué Nouvelle Flore, connu aux States comme SCD; et aurait probablement eu les mêmes résultats sur sa santé. Cela sans les dégâts hormonaux qu'il a vécus et qui l'ont poussés à modifer son régime.
Un diplôme médical n'est pas le garant d'une connaissance fine de la nutrition, qui n'est d'ailleurs pas une science mais un art. J'ai assez vanné tous ces médecins qui se targuent d'être des pros en nutrition ou en nutrithérapie, parce qu'ils ont lu trois livres et fait un stage d'un week-end. Des amateurs!
Encore faut-il que le médecin ait une longue expérience sur le terrain. Lors de mes séminaires, j'insistais pour que chaque participant teste sa cure perso, que j'avais pu deviner à partir de mes critères de profilage; mais aussi qu'il teste sur lui-même au moins cinq autres de mes cures, détaillées dans Les Topos. Ce n'est qu'après avoir vécu de l'intérieur l'effet de l'une ou l'autre cure que l'on pourra bien en intégrer les bénéfices.
L'humain est ainsi fait qu'il recommande à tous LA cure qui lui a été bénéfique. C'est compréhensible, mais ça ne fait pas un coach efficace. Imaginez celui qui conseille Nouvelle flore carnicentré à un cueilleur végé de nature?
Je répète mon antienne:
1/ Gare aux diètes extrêmes, surtout quand (ou parce que) elles ne sont pas validées par des praticiens de confiance, bien informés. Deux à trois semaine de cure: peu importe. Dès qu'on dépasse le trimestre, parfois le semestre, des modifications physiologiques profondes se font jour. Et pas toujours dans le sens positif.
2/ Méfiez-vous du syndrome "et ma tante a un pull rouge",; en termes plus scientifiques: N=1. Une anecdote ne fait pas le printemps. J'aimerais un retour de terrain dans deux ans du coapin végane ou cétogène qui veut vous emmener dans son sillon....
N =1. raccourci de langage à l'Américaine. "N" représente le nombre de sujets repris dans une cohorte, lors d'une étude clinique. "N=1" représente le cas si fréquent d'une personne croyant que son ressenti personnel vaut pour l'univers, en gros "N=1" signifie "vous ne parlez que pour votre cas perso".