15.10.2024 Parmi les extraits du topo expert Itinéraire de décrochage des sucres, compagnon de Cinglés de sucres, aujourd'hui: que font l'insuline et le glucagon après un repas, comment se développe l'insulinorésistance.
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Attention: très long billet, mais je suis consciente que ces billets ne sont lus que par mes élèves en Profilage alimentaire® et par des passionnés de cette approce. Ils sont en général curieux et patients! L'objectif de ce billet n'est pas un cours, mais j'expose à l'intention des praticiens des éléments de langage pour expliquer clairement les mécanismes de la dysglycémie à un patient/client.
Le corps humain accepte une proportion de "sucre" dans le sang très précise. La zone de confort se situe entre 0.8 et 1.1 grammes de glucose par litre de sang. Deux hormones se mettent en branle au principal pour réguler les taux de sucre dans le sang -- taux de sucre qui augmentent, on s'en doute, après l'ingestion de pâtisseries... mais aussi, chez certains mangeurs, après l'ingestion de pain, blanc ou complet, de fruits, et même... de viande. Les taux de sucre s'élèvent aussi sans manger, en cas de stress soudain ou permanent: une peur au volant, une colère du patron, un début de bagarre et zoup! le corps produit tout seul du sucre.
Voir un poster exposant en images très simplifiées ce qui se passe lors de ces montagnes russes d'ensucrage, chez un enfant:
Faites le calcul: adulte, nous avons en moyenne 5 litres de sang, multipliez ce grammage d'environ 1 gramme par litre par 5, vous en concluez que le corps aime retrouver 5 grammes de sucre circulant dans le sang, l'équivalent d'UNE cuiller à café. Pensez avec indulgence à votre tendre associé lorsque vous mangez un plat de pâtes suivi d'un beau gâteau au chocolat: il reçoit alors bien plus que la minuscule dose qui lui est confortable.
Ces deux hormones gluco-régulatrices sont l'insuline et le glucagon, elles sont toutes deux produites dans le pancréas. Elles s'équilibrent comme le yin et le yang de la tradition chinoise. Après un repas, l'insuline diminue le taux de sucre lorsqu'il est excessif. Entre les repas, le pancréas veille à garder la glycémie dans les normes, le cas échéant à remonter le taux de sucre (la glycémie).
L'insuline intervient lorsque l'ensucrage dans le sang est excessif: elle fait le balai, en quelque sorte. Elle chasse l'excès de glucose dans les muscles, pour que vous puissiez l'utiliser pour courir, car ce sucre est une forme d'énergie possible pour les muscles (stocké dans les muscles sous forme de glycogène). Il n'est que de voir les gamins après un gâteau d'anniversaire: ils DOIVENT se défouler. C'est une réaction naturelle.
Lorsque les muscles ont reçu leur dose et s'il reste trop de sucre dans le sang, l'insuline chasse le glucose en excès vers le foie, qui à son tour va chercher qu'en faire: tiens, si j'en faisais du gras? Le sucre en excès, non brûlé par les muscles, devient de jolies petites cellules graisseuses. Ce que l'on ne voit pas et qui méritera quelques photos dans le Rocky Horror Picture Show du prochain billet: ce gras gluant s'insinue entre et autour des organes, les étouffant en quelque sorte. C’est en particulier le cas du foie, qui devient alors un « foie gras » (officiellement : stéatose hépatique ou NASH, non alcoholic steato-hepatitis).
NB. L'insuline a bien d'autres effets, elle est aussi une hormone de stockage: tant qu'elle est active, elle empêche les tissus adipeux de relâcher leurs graisses. La plupart des auteurs promeuvent le contrôle de l'insuline non pour des raisons de bien-être nerveux et immunitaire, comme je le fais ici, mais pour... mincir!
Revenons au circuit "sucre et après?". Quelques heures après un repas, la glycémie diminue si l'insuline a bien fait son boulot de balayer l'excès de glucose vers les muscles et le foie. Le glucagon entre en jeu, mettant l'insuline à l'arrêt: "à mon tour de jouer". Son rôle est de signaler au foie et aux muscles qu'ils peuvent libérer le glycogène (le nom pour la forme de sucre à ce stade) et le relarguer dans le circuit sanguin, pour que le corps dispose d'assez de glucose pour fonctionner. Eh oui, ça se complique: pas trop de sucre, mais pas trop peu non plus.
Certains sujets vivent des réactions excessives du couple insuline/glucagon: après l'ingestion de sucre, l'insuline grimpe plus haut que la moyenne; ce qui invite le glucagon à surréagir aussi et à diminuer la glycémie à des taux tellement bas que le cerveau crie alerte: "il faut vive manger pour revenir au seuil normal". Ce que j'ai représenté dans le graphique illustrant ce qu'on appelle "hypoglycémie réactionnelle" en Naturoland.
D'autres déséquilibres de notre couple insuline/glucagon peuvent survenir. Après des années de surstimulation, il arrive que le métabolisme baisse les bras et laisse faire: on retrouve alors en permanence des taux élevés de sucre dans le sang -- situation que l'on nomme insulinorésistance. En gros et en travers, les cellules n'entendent plus les signaux, ils ne captent pas que de l'insuline circule ou (qui saura?) elles décident de ne plus accueillir d'excès de glucose par un réflexe de survie.
L'insuline a bien de la peine à continuer à balayer ; trop de sucre continue à circuler dans le sang (situation d'hyperglycémie, pas plus confortable que l'hypoglycémie réactionnelle). La conséquence: vous vivez avec des taux de sucre élevés en permanence, vous vous caramélisez de l'intérieur, quoi. Ce qui peut endommager les circuits précocement, vous vous en doutez.
D'autres médecins avancent que c'est quand le corps trimballe trop de gras viscéral que la situation s'installe. Mais ce gras s'est construit à la faveur de l'hyperglycémie, souvent ! Maman, où est la poule, où est l'oeuf?
Quel que soit le fin mot de l'histoire, soyons "Realpolitik": ne laissons pas la situation s'aggraver ou même perdurer. Le corps souffre! Le pancréas s'épuise à produire de l'insuline, le corps entier s'affaiblit à devoir gérer cette hyperinsulinémie permanente. Au fait, je ne l'avais peut-être pas dit, mais les hormones ne jouent pas en solo, elles sont une symphonie finement réglée au sein du système dynamique complexe qu’est le corps humain. Un dérèglement de l'insuline impacte quasi toutes les autres hormones.
L'état normal de l'humain est de pouvoir sentir quelles hormones circulent: il est insulino-sensible. Nous sommes moins nombreux en Europe qu'aux States à être insulino-résistants. La majorité de nos compatriotes européens sont insulinosensibles, ce qui explique que nous ne devons pas en passer par des diètes aussi radicales que nos cousins américains. Chez nous, on peut pratiquer la paléo ou le low-carb en free style!
Répartir les mangeurs entre insulinorésistants (IR) et insulinosensibles (IS) explique aussi pourquoi un certain nombre de régimeurs prospèrent dans un plan de réduction calorique et lipidique: ils étaient insulinosensibles, tiens (voir le billet sur l'étude de Gardner,, à venir xx). Les pauvres multirécidivistes de régimes qui finissent la taille épaissie à force de régimes (!) sont très souvent IR.
Parlons profils : j'observe que beaucoup de cueilleurs de nature sont insulinosensibles même après 40 ans, sauf accident de vie; alors que les chasseurs francs sont plus aisément insulino-résistants à cet âge.
NB Pour comprendre le profilage selon Cueilleur ou Chasseur
Vous pouvez tester ce phénomène d'insulinorésistance en laboratoire, votre médecin connaît les codes; mais vous pouvez aussi soupçonner ce dérèglement par un petit test maison assez excessif, qui reproduit le test connu des femmes enceintes d'hypoglycémie provoquée:
Chez une personne IS, la glycémie monte à peine ou tout au moins elle revient vite à 1g/l. Après 1h30 il est normal qu’avec autant de sucre ingéré, le sang indique un taux de 1.3 grammes par litre. Chez les plus fragiles, qui ne sont pourtant pas prédiabétiques, ce taux peut être de 1.6-1.8g/l. Après 2h, il devrait être revenu autour du gramme. Si la glycémie reste élevée après 2h, demandez à votre médecin de vérifier l'insulino-résistance par un test de labo. Au prochain test sanguin, vous pourriez lui demander de vérifier votre taux d'HbA1c, qui révèlerait votre taux de glycémie moyen lors des mois passés.
Un exemple concret: Jeanne se doute qu'il y a un souci du circuit insuline/glucagon chez elle,car ses derniers tests de labo indiquent une glycémie à jeûn de 1.2g (à jeûn, elle devrait être de 0,9g maximum pour être dans les "normes" ). Mais zut alors, elle mange pourtant très sainement, bio, alimentation vivante et tout le toutim. Eh oui, si ce mode alimentaire est permanent, il peut dérégler la glycémie chez une personne encline à mal gérer les sucres, car l'assiette "vivante" est très riche en sucres divers.
Jeanne pratique donc ce petit test. 14h: une bonne part de tarte au sucre (un grand classique en Belgique). 15h30: la glycémie est montée à 2.1 g/litre. 16h30: toujours 2.1g/litre. 18h: le taux de sucre commence à baisser. L'organisme de Jeanne a clairement un petit souci de signalisation et de camion-balai, car à 16h30 elle devrait n'avoir qu'environ 1 gramme de glucose dans le sang.
NB initiés: les valeurs pour la glycémie à jeun sont supérieures pour diagnostiquer un vrai diabète, mais ici on veille à prévenir plutôt que guérir et à repérer l'IR.
Dès qu'on veut s'autoévaluer sérieusement, on peut pratiquer les mêmes tests plusieurs jours d'affilée. On verra ainsi quels aliments et quelle combinaison fait augmenter la glycémie individuellement. Une annexe "Evaluer votre réactivité glycémique en chiffres" est page 159 de Cinglés de sucres, dernière édition. Un carnet
Après une nuit de jeûne naturel, la glycémie devrait se situer entre 0,7 et 0,99 g/litre de sang (chez un diabètique, on tolère une glycémie à jeûn jusqu’à 1,26g/l).
Trente à soixante minutes après un repas ordinaire, on évalue comme normaux des taux jusqu’à 1,2g/litre (chez un diabètique, on accepte qu'une à deux heures après le repas ce taux soit à 1,8 ou même 2g/l). Il est clair qu’après une dînette de pur sucre, ce taux est modifié.
NB céto. Ces chiffres sont un peu différents chez les pratiquants de la diète cétogène, car à force de calmer le circuit de l'insuline, certains mangeurs ont une glycémie à jeûn plus basse que 0,7g/l: 0,55g/l est le taux que l'on cherche à obtenir lorqu'on souhaite contrôler un cancer par la diète cétogène. Le mangeur céto-adapté connaît ces taux sans ressentir les malaises habituels de l'hypoglycémie réactionnelle que j'ai décrit plus avant, car la glycémie basse n'est pas due à une surréaction du glucagon voir mais bien à un calme hormonal tout à fait naturel en cétogène.
Le diabète de type II (qu'on nommait chez les Anciens Grecs "diabète sucré", aussi nommé "diabète non-insulinodépendant") survient lorsque le pancréas s'épuise et ne produit plus assez d'insuline, c'est l'insulinopénie. Il survient aussi lorsque le désordre d'un excès insulinique est devenu permanent: les cellules n'entendent plus, comme exposé ci-avant. En fin de grossesse, certaines femmes vivent le diabète de grossesse ("gestationnel") où, sans avoir un historique de prédiabète pourtant, la parturiente connaît des taux élevés de sucres dans le sang, situation qui se normalisera après l'accouchement.
Parfois on arrive à ce que le pancréas ne produise plus du tout d'insuline, ce qui est le signe d'un diabète de type I, qu'on appelait avant "insulino-dépendant" et qui apparaît parfois très jeune.
Dans tous les cas, il y a déséquilibre de la production d'insuline/glucagon. A ce stade, hypo- ou hyperglycémique ou IR, diabètique ou pas, je me permettrai de vous qualifier de "insulino-faiblard" puisque nous sommes dans un ouvrage pour profanes.
Vous n'êtes pas condamné à prendre des médicaments pour faire baisser le taux de sucre artificiellement (médicaments qui consomment le sucre en excès, alias "glucophages", le nom est clair; comme le metformin en classique ou la berbérine en altermédecine) ou pour pallier les carences du pancréas en production de l'insuline (et là c'est... de l'insuline tiens). Vous pouvez tout simplement agir sur les trois plans suivants.
1/ Gérer votre assiette au quotidien: manger moins d'aliments qui produisent de fortes augmentations de sucre dans le sang. Testez la cure Décrochez-des-sucres de mon topo Cinglés de sucres.
NB. Je conseille mes propres cures pour plusieurs raisons : elles contiennent des listes positives et non une série de « pas-de-ci-pas-de-ça » ; je privilégie les nourritures vraies, ce qui magnifie les résultats de la cure ; je déconseille les pseudo-pains, pseudo-pâtes et autres concoctions industrielles survantées en LCHF. En outre, je limite la durée à 15 ou 30 jours pour de très bonnes raisons physiologiques: ces cures thérapeutiques changent des mécanismes très fins. Et enfin, je ne les recommande pas pour maigrir, car elles ne sont pas efficaces. Certes, on mincit vite, mais dès l'arrêt de la cure, on reprend les kilos .... et un petit rabiot. Refrain connu des régimeux.
2/ Gérer vos réactions aux stress. Les naturos adjoignent toujours à leur programme alimentaire des techniques de sophrologie, de respirations, de cohérence cardiaque, puisque ces dernières calment le circuit du cortisol, indirectement lié à la glycémie. Avant de comprendre les phénomènes que j'expose ici, je prenais ça pour de la religiosité...Eh non, cest parfaitement logique. Il est d'ailleurs enthousiasmant de voir que la mouvance de médecine fonctionnelle aux Etats-Unis arrive, force études sérieuses sous le bras, aux mêmes conclusions que la médecine traditionnelle chinoise ou la naturologie. Bientôt une réconciliation? Chouette!
3/ Marcher un peu plus, surtout au grand air, puisqu'ainsi vous brûlez le sucre en excès, les muscles en utilisant, ils feront de la place pour que l'insuline en stocke un peu plus.
Si vous en avez l'énergie, poussez l'exercice jusqu'à utiliser chaque jour des petites haltères: vous vous fabriquerez un plus grand volume de muscle, ce qui permettra de stocker plus de sucre en excès. Ensuite, fort de cette masse musculaire accrue, vous pourrez manger plus d'aliments de type "sucré" sans même devoir faire du sport, puisque vous disposerez d'aires de stockage plus vastes pour que l'insuline puisse disposer du sucre en excès.