9.5.2020. Petit aparté provocateur sur “je suis médecin, j'incarne le pouvoir”, une historiette. Et un commentaire sur l'article «Vous ne devez pas faire votre propre recherche quand il s’agit de science»
Depuis le début de la crise, je suis abonnée aux compte twitter de médecins, parmi lesquels le docteur Dupagne, que je connais par son franc-parler piquant sur France Inter. Il me répond à propos d’une vidéo, qu’il moque et que je propose d’écouter pourtant:
-- «j’ai une formation qui me permet de détecter les bobards», m'écrit-il.
A quoi je réponds:
-- «Je suis aussi rigoureuse que vous dans mes analyses, il ne faut pas de formation. Il faut une tête bien faite. Que j’ai, merci à mes parents.»
Le médecin:
--- «Malheureusement, en la matière, une tête bien faite ne suffit pas. Les données à analyser requièrent une formation minimale aux pièges de raisonnement dans ce domaine particulier.»
Ma réponse en souriant:
-- «;) On va dire que les études en BE / FR sont différentes ... Je pense aux nombre de médecins que j’ai eus en séminaire ou que j’ai croisés en colloques; et dont la rigueur d’analyse, la logique, la capacité de recul face à un dossier étaient celles de monsieur ToutLeMonde».
Fin de l’échange écrit, car je sentais le mur classique du dialogue raté - échange que j’ai terminé en famille en rappelant la blague que m’ont racontée mes amis médecins.
-- «Quelle est la différence entre Dieu et un médecin?»
-- «Dieu ne se prend pas pour un médecin».
;) I llllove it.
Tout comme les gouvernants nous traitent de haut depuis leur posture de pouvoir d’élu, tout comme les médecins nous mettent de côté pour la même raison (pouvoir de «sachant»), je pourrais tout aussi bien utiliser mon propre pouvoir: «je n’interagis pas avec ceux qui ont moins que mon propre QI, càd 142 (j’ai passé mon adolescence chez les psys, ça faisait partie des tests standard)». Ou « je n’ai pas à suivre les instructions de ceux qui ont un niveau inférieur» (sous-entendu les quelques figures politiques que je tance).
Mais c’est terrrriblement 20è siècle, voyons, ma chère. Non seulement ces tests QI sont obsolètes désormais aux yeux des psys (d’ailleurs dans la vie sociale, je me demande parfois si le chiffre réel n’est pas plutôt de moins 42 tant je peux bourder), mais aussi nous sommes au 21è siècle, oublions les rapports de pouvoir, d’où qu’il provienne.
C’est d’ailleurs la raison d’être de mon échange avec le médecin, à qui je n’écrivais que parce que d’habitude il est bienveillant, critique, intelligent (je le crois HP aussi, à le lire depuis si longtemps): je vérifie régulièrement si cette hystérie du pouvoir continue à être virulente. Eh ben ouais, ça ne change pas encore, dans ma génération de soixantenaires en tout cas. Bof, pas grave, j’attends la prochaine réincarnation. Où j’espère pouvoir continuer cette fascinante observation des rapports de pouvoir entre humains, mais ne plus devoir la subir.
Le covid est vraiment révélateur de notre posture individuelle vis-à-vis du pouvoir, de la parole du Père symbolique (bis repetita me placet beaucoup, pardon), des choix de l’Autorité qui sait mieux pour nous que nous-même. Je crains que, “dans le monde d’après”, beaucoup de mes congénères ne votent encore pour ce genre de domination. Par la force de leur nombre, nous serons donc forcés de les suivre dans ce mouvement. Snif. Car ce sera au prix de l’humanité telle que je la conçois.
NB jeunots: «une tête bien faite» est une expression qui nous vient de Montaigne, qui l’oppose à «une tête bien pleine» (qui ne doute rien parce qu’il croit tout savoir). La «tête bien faite» a accumulé des connaissances et appris à faire le tri entre les mauvaises et les utiles; et connaît ses limites. Il n’existe pas de chiffres idiots pour valider ce fait.
Je continue sur les rapports de pouvoir, j’adore. Les dominants ont leurs petits valets, c’est comme ça que le pouvoir fonctionne et s’installe durablement. Une dame sur un autre compte se moque de moi, qui ne suis pas épidémiologiste et qui écris des livres de cuisine - alors que j’ose questionner la parole médicale officielle. So what? Ai-je jamais prétendu être du métier?
Ce que sous-entend le ricanement de l’interlocutrice est qu’on ne peut pas questionner l’autorité, point barre. Je serais caissière en grande surface, je ne pourrais pas lire les programmes des partis politiques avant les élections? Choisir à quelle sauce je vais être mangée? L’oppression est encore pire que je ne l’imaginais, ma parole.
Car, petit scoop pour les nouveaux arrivants, cette crise n’est pas sanitaire mais bien économique et politique. Il se prépare un monde de capitalisme de surveillance, de numérisation et de déshumanisation qui me chatouille l’éthique. Monde qu’on vendra aux plus trouillards sous le prétexte d’une sécurité accrue. Et que bien des Adorateurs de la Parole du Père risquent de valider...
NB. Factuellement, ma réponse à la dame était: «c’est trop illustratif votre remarque, j’y réponds. On se calme, on est sur fb. C’est le café du commerce, on peut exprimer son opinion sur tous les choix politiques qu’on nous impose. Comme au café du commerce, ni plus ni moins. C’est encore plus drôle que vous repreniez un extrait d’un de mes billets que vous n’avez pas lu ou pas compris dans son essence (et plus significatif encore, car il traitait des rapports au pouvoir).
Je ne vous réponds pas ici individuellement, mais pour soutenir C., qui semble penser librement comme moi. On n’impose rien, on propose une autre façon de lire l’actualité. Pourquoi ricaner si ce n’est que vous vous sentez en danger?"
2.8 Sur le même sujet, un article de Forbes. Forbes a raison et Forbes a tort dans cet article. L’annonce-type pour ne pas être lue sur fb, je le sais, mais tant pis.
Un astrophysicien nous invite à ne pas nous poser de questions qui sont hors de notre champ de compétences: https://www.forbes.com/sites/startswithabang/2020/07/30/you-must-not-do-your-own-research-when-it-comes-to-science/#3652558e535e
Il a raison sur la 2ème partie de la phrase, mais pas sur la première.
Voici plus de 20 ans que j’ai compris ceci: en nutrition j’ai beau télécharger toutes les études sur un sujet, je suis comme un chien devant un chapeau - n’étant pas du métier. Je sais aussi que même des pros du métier ne peuvent tous juger avec acuité de la méthodologie, du sérieux du journal, de la justesse des conclusions versus les tests, des conflits d’intérêts sournois des auteurs, etc. Bref, ne peuvent remettre chaque étude à sa juste place.
Petit à petit, j’ai choisi les intermédiaires, mes SDF (scientifiques sans dotation fixe), ceux qui analysent la doc’ internationale à ma place. Je me base sur leurs conclusions pour asseoir mes questions techniques en nutri. Le bon sens et l’observation font le reste.
Comme le journaliste de Forbes, je suis donc étonnée quand des amis qui sont des BB comme moi (des blaireaux de base) m’envoient une étude (UNE!) pour justifier un choix. Parce que le fait d’être publié divinise un auteur, et qu’on DOIT alors le croire? Le fait que le lecteur touche du doigt une «étude» rend soudainement malin et apte à l’analyser? Le net et son fourmillement de résultats nous ont fait perdre le bon sens commun. Nous ne sommes pas à même d’analyser cette vaste documentation. Nous devons nous fonder sur des relais plus professionnels.
Depuis le début de la crise sanitaire/politique du covid, je n’ai pas relayé une seule étude sans qu’elle ne soit décortiquée et remise à sa place par un des pros que je suis sur twitter ou sur media indépendant (docteurs, statisticiens, virologues, épidémiologues, etc).
Le discours de notre physicien du jour en revanche est faussé en ce qu’il a oublié de nous indiquer une forme de choix parmi nos relais (dans mon cas le choix est «indépendant des enjeux économiques si sensibles pour tout être humain»).
Il formule plutôt ainsi: «Avec tous ces merveilleux scientifiques et communicateurs scientifiques qui disent la vérité sur toute une série de questions dans notre monde, il n’y a aucune excuse pour que les gens ne recherchent que les opinions qui confirment leurs propres préjugés.»
Et là on rit de bon coeur. Le profane est le seul à être biaisé, bien sûr. Car «la» science rend parfaitement impartial. Hihi. Vraiment, on ne peut s’arrêter de rire. Et «la» science est la source de «la» vérité. Mais tu as quel âge, mon choupi? On vient de le voir avec «tous ces merveilleux scientifiques et communicateurs» qui ont glosé sur la crise covid dans les medias de grand chemin: impressionnant balisage de la vérité!
Ce garçon est certainement brillant, mais il a raté sa vocation de prêtre, il aurait prononcé de beaux sermons le dimanche sur dieu, la vérité, le bien, le mal, les bons et les méchants.
Voir le chapitre "Crise de foi(e) dans la médecine" - voir la table des matières du dossier