9.10.2020 Ce matin, une indiscrétion: je copie/colle ma réponse à une copine, par courriel. Le thème "la peur, l'obéissance, l'action", dans le contexte "Hallucination collective". Pas moins ;) "Je lis dans ton mail tes termes "avoir peur" & "docilité mondiale": j'ai un billet en préparation, il faut que je série, j'en ai tellement à publier, tant de petits papiers brouillons épars, avec tant d'idées à exprimer. Je te fais le brouillon du billet. Je n'ai pas peur, pour une fois, bizarremement et j'ai creusé pourquoi".
Deux thèmes ici: pourquoi ne pas avoir peur et pourquoi ne pas agir dans l'urgence, tout de suite.
Ce sont mes avis de profane, tu le sais bien, ni politologue ni psy ni économiste. Mais depuis le temps que mes intuitions se révèlent être bien en avance de ce que la société décode, je finis par me croire ;)
En gros et en travers: l'humanité occidentale y était prête, mais la crise corona (la peur d'un virus inconnu doublée des medias qui en font des tonnes) a l'a plongée dans une déprime sérieuse, une forme de burn out nerveux, de panne intérieure par trop-plein de tout. Quand on est en déprime (j'en fus familière depuis l'adolescence, à intervalles quasi réguliers), il s'agit de biner son petit jardin intérieur tant qu'il est à nu, de le débarrasser des scories accumulées, de tirer de jolies lignes, de ratisser et de restructurer. Et puis, petit à petit, on repart dans une spirale concentrique dynamique vers le haut. Cela ne se fait pas consciemment bien sûr, je donne une image. Si on donne tout de suite des antidépresseurs, la personne rate une belle occasion de faire ce saut initiatique dans la recherche de son être profond.
Observe bien autour de toi: on dirait que les déprimés (pour ne pas les appeler les "pro-mesures gouvernementales") ne se repèrent pas selon les vieilles catégories gauche droite ou féminin masculin ou bourgeois ouvrier, depuis quelques mois Je vois que semblent résister à cette vague hallucinée ceux de mes amis qui ont fait un travail d'introspection, qui ont déjà "tué le père" sur le divan. Ceux qui auparavant gazouillaient et chantaient sans se poser de questions - sans que la vie ne leur en ait posé en fait - regardaient les inquiets, les mélancoliques, les enfants blessés dans des corps d'adultes comme des capricieux, des mauviettes ou des "tota mulier in utero", eux qui avaient besoin de refonder leur monde intérieur et faire un travail psy. Désormais: bienvenue au club!
Pour le moment, on est dans la spirale concentrique dynamique vers le bas: on ne l'arrête pas d'un coup de pouce.
Deuxième raison pour freiner l'action: il faut d'abord diagnostiquer la faille, les sources de la faille, les ressources qui nous aideront à la combler. Au niveau de nos sociétés entières. On n'est pas seulement dans une forme d'adolescence de l'humanité qui doit se détacher de l'autorité parentale et du respect un peu docile de la figure du Père (Kropotkine, reviens!), on est aussi dans une grande souffrance morale et mentale. Je reviens à mon image: chacun est détaché des autres, perdu seul dans un grand océan d'incertitudes et ne voit aucune bouée à quoi se rattacher. Toutes sont des mirages: les corps constitués que sont la presse, les relais syndicats, partis, associations ou même les groupes d'amis habituels, dont on se sent tellement scindés depuis la crise; chacun ayant son analyse perso et des avis très tranchés (plateformes "sociales" obligent, c'est devenu comme une règle).
Tiens, c'est justement le sentiment qu'on les déprimés et leurs proches: on peut leur tendre la main, on dirait qu'ils veulent se noyer tout seuls.
C'est un moment à passer, c'est le temps de la petite binette. Les proches doivent rester présents, sans rien attendre, prêts à intervenir si ça s'aggrave. C'est exactement la posture que j'ai choisie dans mes billets depuis quelques mois.
Je comprends tous ceux qui veulent agir, bouger, fédérer. Je les suis sur le plan "marquons aux élus que nous ne sommes pas d'accord" (via pétitions, tribunes, manifestations, procès même) mais je ne les suis pas dans la volonté de refaire le monde d'après ici et maintenant, tout de suite.
On n'est pas au bout de l'analyse. J'ai fait la mienne via les billets, mais elle découle de mon acquis politique sociologique et économique depuis 45 ans. Il se fait que ma vision du monde semblerait correspondre à ce qu'il faudrait hic et nunc (anarchisme, antiproductivisme, local, small is beautiful, entraide etc.). Illusion de ma part? Réalité? Espérons que je vive encore 20 ans pour voir...
Passons à la peur de voir tant de gens "obéir". Ce n'est pas obéir, je crois, c'est la marque d'un effroi plus profond. Le respect des normes, surtout masque et distance, est pour moi la marque symbolique que les gens ont compris l'effondrement qui se joue, la nécessaire refonte, la terrible transition que nous allons vivre , qui s'en protègent par ces grigris, qui partagent ainsi avec les autres leur état émotionnel, pour se sentir moins seul (dans la rue, dans leur voiture: le port du masque est clairement symbolique et pas réaliste). Ou qui marquent ainsi qu'ils ont trouvé une bouée de secours qui s'appelle le journal télévisé. Aurais-tu la cruauté de leur signifier que cette bouée est de l'air chaud? une illusion?
J'ai déjà fait un billet sur
* l'effondrement des croyances dérivées des sociétés thermo industrielles des deux derniers siècles (via les livres de Roland Gori), la faillite de "la norme", de la société technocratique, entre autres
* l'effondrement de la foi dans le confort économique futur, via Charles Gave et le "coup d'état" technocratique
* l'effondrement de la finance internationale, devenue folle et débridée
* ....
Pour l'article final, je ferai la liste de tous les effondrements que j'ai cités. Ici, premier jet, tu connais le topo.
Fin du courriel
Depuis quelques années, j'ai souvent parlé de collapsologie à la Servigne avec des amis ou relations, mais en famille, je reconnaissais que je n'y croyais pas. Le discours de cet excellent garçon et de ses camarades ne vibrait pas, tout simplement. Mon cerveau le comprenait, mais mon intuition profonde (qui accompagne toujours ma réflexion) n'entrait pas en résonance avec son discours. Je ne savais pas pointer pour quoi mais je résumais ainsi: c'est une trop belle théorie pour être valide. Si nos sociétés vrillent, cela se fera de manière plus chaotique et douce en même temps; , on entrera petit à petit, comme la grenouille qui cuit, dans une forme d'effondrement, sans s'en rendre compte (sauf à écouter ...les artistes, ces grands visionnaires!). Gori a raison quand il écrit son dernier livre "Et si l'effondrement avait déjà eu lieu".
Tout ça est très profane et caresse des concepts qui mériteraient de plus longs déployés. Comme pour la nutri, j'en appelle à mes camarades philosophes pour élaborer.
Je joins, en illustration, un des billets d'humeur en vidéo de Christian Combaz, que j'aime tant entendre. Entre autres parce que je partage son point de vue sur le monde, parce qu'il analyse souvent la psychologie de base de nos élites, leurs ressorts profonds. Sans se la péter, en français de comptoir cultivé, rebelle (je sniffe un anar'....) mais rassembleur.
Ce début octobre: "Pour s'affranchir de la téléréalité sanitaire globale, revoyons d'urgence le film Truman Show" -> https://www.youtube.com/watch?v=3rlCPgd8rT0
Si vous n'avez pas vu le film The Truman Show: https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Truman_Show
Voir le chapitre "Hallucination collective" - voir la table des matières du dossier