19.1.2021 En période d’oracles assumés, qui prédisent tout et son contraire, on est drillé à y croire. On serait tenté de demander leur avis aux historiens, qui ont balisé avec talent le passé de notre humanité. Si des cycles semblent standard, ils pourraient se reproduire, non? Ouf! On pourrait alors prédire le prochain coup de la Providence. Dis-moi tout, chère Pythie... Quelques références chez le Courrier des Stratèges
Billet inclus dans le dossier "Le circus virule (ou ce que le covid-19 est venu nous dire"), amorcé début 2020. Répertoire "non-food" de ce site. Je mets ma casquette de Jiminy Cricket, comme pour le dossier à charge contre les Gafam. Je transfère certains des billets écrits en brouillon sur fb pendant le confinement. On les retrouve via le sommaire.
L’historien n’est pas le confident de la Providence, dit Eric Anceau dans une interview sur le sujet des élites, passionnante pour qui aime l’Histoire (chez Le courrier des stratèges (https://www.youtube.com/watch?v=lSssgi47UwQ) . D’autant plus éclairante pour celui qui se méfie en outre de la montée d’une élite unique (une première dans l’Histoire) et de l’hégémonie d’une technostructure. Anceau appelle «épistocratie» le gouvernement d’experts que l’on voit se profiler en Occident. Conversation cultivée et documentée entre Anceau et Eric Verhaeghe.
Verhaeghe qui est, par ailleurs, auteur principal des articles sur le site du Courrier des stratèges, dont j’ai relayé une série en leur temps, autour des schwabineries . Il vient de publier un décorticage en règle du projet Great Reset : https://lecourrierdesstrateges.fr/2021/01/17/great-reset-mythes-et-realites-le-livre-est-telechargeable-ici/
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Intéressant que l’auteur soit un énarque défroqué (donc pointu, rigoureux) qui a bossé quinze ans dans la haute fonction publique (donc documenté, factuel). J’adore cette forme d’intelligence et de partage apparemment libertaire (c’est à lui de confirmer ce que je ressens). Et pourtant, on dirait que l’ami tombe aussi dans une suspicion de complot. Oh! que c’est tentant. Une illustration.J’aime lire les commentaires d’Hélène Strohl sous ses articles, car en tant qu’énarque, inspectrice générale des affaires sociales honoraire, elle remet souvent le discours en perspective par une vue de l’intérieur et de l’incroyable salmigondis d’intentions, de pouvoirs, de renvois d’ascenseur, de prétentions de carrière, etc. qui peuvent éclairer différemment les décisions des technocrates. En l’occurrence, après que Verhaeghe a détaillé le scandale des faux chiffres de contaminations et d’hospitalisations divulgué par Nice-Matin récemment, présentant l’affaire presque comme «organisée» (https://lecourrierdesstrateges.fr/2021/01/18/gros-malaise-sur-des-incoherences-dans-les-chiffres-de-lepidemie/), Hélène Strohl commente :
«La question du comptage des entrées à l’hôpital a toujours été problématique : en psychiatrie les personnes qui sortent dans leur famille le Week end sont souvent comptées comme nouvellement entrées, la durée moyenne de séjour est calculée en recommençant au premier janvier, alors que pour part ce sont les mêmes malades etc. Donc ne nous fions pas à ces chiffres plus comptables qu’épidémiologique. L’idée de coupler système comptable et système épidémiologique qui préside la « maîtrise médicalisée des dépenses » (je pense que ça commence avec Bianco et ça part d’une idée intelligente, ne pas faire une gestion purement budgétaire), mais ça aboutit aux catastrophes que l’on sait : la T2A en est issue. L’idée qu’on tarifie les pathologies selon un coût moyen quel que soit finalement le décours de la maladie. On peut y rajouter un plus « social » et j’imagine maintenant « covid » (ce qui explique l’explosion de décès dits Covid) mais cela n’a pas arrangé la gestion hospitalière. Notamment parce que les directeurs ont tenté d’orienter l’activité vers ce qui « rapportait le plus ». Bref, je ne comprends pas pourquoi Santé publique France ne fait pas, semaine par semaine (cela suffirait) un suivi des présents à l’hôpital.
En fait dans l’administration de la santé et dans l’administration en général, on veut toujours tirer des statistiques des systèmes comptables et gestionnaires. Ceci alourdit ceux-ci et d’autre part fausse souvent les résultats d’enquête. De même pour les tests, il faudrait d’une part tester les personnes symptomatiques ou contacts avec une personne positive et d’autre part faire un suivi d’une cohorte en population générale pour connaître le taux d’incidence et de prévalence, mais sur un échantillon significatif qui ne nous fournirait pas ces millions de tests coûteux, souvent faux et donc inutiles.
Les hauts fonctionnaires aiment beaucoup les statistiques, mais sont rarement statisticiens et donc ils ne savent ni les utiliser ni encore moins les produire.»
Dès que je suis aussi tentée par l’explication si confortable du complot, je me replonge dans mes souvenirs de boulots dans des sociétés multinationales. Je me rappelle alors les noeuds de fil de pêche interrelationnels, les jeux de pouvoir, les petites intrigues qui finissent vite en Festival des Andouilles, le tout grand micmac tragique humain. Et j’accepte que le chaos règne sous les apparats d’une structure qui semble rassurante, structure qu’il n’y a pas de volonté claire même si un esprit du temps veut que des tendances émergent.
Je remercie Hélène Strohl d’apporter, chaque fois, cet éclairage-là.
Retraitée, je reste prof’ dans l’âme. Je partage donc des pistes d’information pour que chacun s’ouvre à d’autres visions du réel.
Par exemple, je voudrais que mes lecteurs acceptent cet éclairage-là plutôt que l’affirmation du complot pour une raison simple: sans analyser les dérives qui donnent lieu à ce que l’on vit, on ne réalise pas un audit clair de la situation et on ne peut pas se positionner, décider ce que l’on veut pour en sortir.
La thèse du complot est une thèse victimaire: je suis victimes de grands méchants, je n’ai rien fait pourtant. Cette posture de victime n’ouvre pas à l’analyse à froid des forces en présence. Elle équivaut à promettre que nous allons être mangés tout crus par les davocrates et fait aussi peur que les JTs anxiogènes autour du covid19.
La peur est mauvaise conseillère, on ne raisonne plus quand on a peur. Où trouve-t-on d’ailleurs le courage de s’opposer à cet «esprit du temps» technocrate et machinique, si toute notre énergie est consacrée à lutter contre cette peur? Je n’ai pas de baguette magique, je n’ai pas de magasin de contre-peur, hélas. Mais je peux souligner ceci: à entretenir la tentation du complot, on nourrit une peur qui paralyse. Depuis des mois, j’ai écrit de nombreux billets sur «la tentation du complot». Tous reviennent à dire: arrêtez de penser «complot» uniquement, ajoutez une analyse factuelle ou entrez dans la dimension du coeur simple. Deux voies à choisir selon vos affinités, voies qui aideront à sortir de l’impasse à mon avis.
Car c’est bien cela que nous voulons tous, non?
Voir le chapitre "Le complotisme de l'anti-complotisme" - voir la table des matières du dossier