28/9/2020 Je lis pour l'instant "Et si l’effondrement avait déjà eu lieu?" de Roland Gori. Petite introduction à ma façon, avec un ptit chouia de provocation.
Les méfaits de la technocscience tels que nous les vivons ne sont pas tombés du ciel. J'imagine le jour où des images similaires serviront de propositions au bac philo. Plus de questions, plus de citations: des images! Dans mon cas, cette image m'inspire un laïus sur l'enferment technocratique de nos sociétés, qui est une des clefs pour comprendre la crise corona actuelle.
Le corona n'a fait que dévoiler un phénomène que nous vivons subrepticement d'habitude, bercés par le confort moderne: nous sommes sous le joug d'une vision technoscientiste hégémonique. Impossible de ne pas ouvrir les yeux désormais, sauf si l'on a choisi le déni du réel - ce qui est le choix de quantités de mes interlocuteurs parmi ceux qui croient au Beau Récit Médiatique autour du Corona.
Les réactions brutales, de rage même, face à mes questions révèlent qu'il est pour eux très dangereux de voir un autre réel, de manger la petite pilule rouge de Matrix, dont l'effet si violent remettrait en cause l'essence même de leur environnement - de leur être? Comme si toutes leurs croyances devaient s'effondrer pour accepter mon analyse du cirque corona.
J'ai longtemps privilégié l'écologie comme mouvement politique: je pense que j'y trouvais un îlot de défense du vivant et du complexe, des rapports d'autorité plus justes, une résistance à la force hégémonique et froide que représente à mes yeux cette société qui utilise l'humain comme des variables d'ajustement et les animaux comme des boîtes de conserve qu'on ouvre et qu'on ferme à volonté. Système que, par facilité, on invective sous le libellé "capitalisme", terme un peu réducteur.
Depuis peu, le mouvement vert a été récupéré par les forces de l'argent et est devenu de l'écologisme, dur, froid, punitif, un peu bas de plafond à dire la vérité. Voir les premières décisions des Khmaires verts* en France récemment. La honte!
Cet écologisme est à nos yeux d'écolos du vivant de l'escrologisme: le Green new deal n'est que la révolution industrielle 4.0 repeinte en verte et en couleuvre, plus facile à avaler. Exit mon attachement à cet écologisme. * Millenials: chercher "Khmers rouges" - dont les intentions étaient louables et dont les réalisations ont été atroces.
Qui donc nous aidera à freiner ce mouvement de refroidissement général de la société, de déshumanisation par technoscience interposé? Si ce ne sont des individus épars, hors mouvement. Je pense ici à Vandana Shiva, la militante d'écologie vraie qui n'a que les mots "vivant, complexe, défense des petits" à la bouche. Merci de vos suggestions (oubliez le mouvement Rabhi, qui n'est pas une référence à mes yeux).
La technoscience hégémonique actuelle s'est installée au fil des décennies, elle n'est pas survenue tout soudain. Les internautes qui comparent le masque à l'étoile jaune en 40 ne se trompent pas, même si la comparaison peut choquer au premier abord, même si je ne relayerais jamais les montages photos ad hoc que je trouve excessifs. Le tout premier essai à vaste échelle d'une société de pure technoscience, dégagée des considérations sur le vivant, efficace au possible, n'a-t-il pas été le régime nazi? Il faut revoir l'évolution avec un oeil historique, pas à pas. L'étoile jaune a été proposée de manière anodine au début, et acceptée comme telle. Au début, cette mesure de discrimination a été si facilement acceptée car le public ne comprenait pas son objectif. C'est là qu'on peut comparer l'obligation du port du masque hors épidémie, sans raison scientifique démontrable, avec l'obligation du port de l'étoile jaune. Un acte de technoscience pur et dur.
Celui qui balance un "point goodwin" ici peut se l'enfoncer bien profond, et rajouter un bouchon. J'ai le malheur de ne pas être juive, née dans une famille de petits bourgeois qui n'avaient rien contre les juifs mais "quand même je ne leur donnerais pas ma fille". Je suis philosémite comme peu de mes camarades juifs le sont. J'ai voulu me convertir à 30 ans, par pure passion intellectuelle. Je garde un attachement profond à la pensée et aux traditions juives. Je m'autorise ainsi à parler de ce sujet si douloureux. Fin de la parenthèse.
La technoscience n'est donc pas tombée du ciel par hasard. J'ai lu avec joie les livres de Bernard Charbonneau, écolo de la première heure, un peu anar' je pense, ami de Jacques Ellul et aussi remonté contre la société technique hégémonique que ce dernier. Je retrouve une analyse similaire dans les livres du psychanalyste Roland Gori, entre autres dans mon livre de chevet du moment: "Et si l'effondrement avait déjà eu lieu" - sous-titre: "L'étrange défaite de nos croyances" (hommage à l'historien Marc Bloch, j'imagine). Editeur Les liens qui libèrent, juin 2020. " Les croyances, les catégories de jugement et les manières de penser le monde et l’humain qui ont fondé et inspiré les sociétés thermo-industrielles se sont effondrées."
Il faut bien plus qu'un court billet sur facebook pour traiter d'un sujet si profond: informez-vous dans le livre de Gori, dense, riche, pensé et documenté. J'en extrais dans le billet suivant quelques passages illustratifs. Dans ce dossier "Le circus virule", j'ai déjà relayé Roland Gori : La Fabrique des Imposteurs - Enquête perso: comment l'imposture de la croissance verte a convaincu les masses. 1/ L'algèbre -
J'ajoute une touche à l'esquisse de ce grand bonhomme: "Initiateur en 2018 de L’Appel des appels, lancé pour « résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social », infatigable pourfendeur des normes néolibérales, du new public management et de sa passion pour l’évaluation qui ne mesure jamais l’essentiel, Roland Gori est ce qu’on pourrait appeler un allié authentique du progrès social (au sens de progrès pour toutes et tous, à distinguer du « progressisme » visant à faire avancer des revendications particulières)." (source: Quand le psychanalyste Roland Gori déconstruit le progrès... et la collapsologie.)
Extrait de l'article:
La question n’est pas de savoir si un effondrement peut avoir lieu, mais plutôt de quel effondrement parlons-nous ?
À travers cet exemple, Roland Gori souligne l’hyperfragilité d’un modèle de développement qu’on croit encore robuste : ça n’est pas parce que des accidents nucléaires ou des marées noires, par le passé, n’ont pas ravagé l’économie mondiale, qu’une nouvelle catastrophe de ce type ne pourrait pas le faire. Selon le psychanalyste, la question n’est donc pas de savoir si un effondrement peut avoir lieu, mais plutôt de quel effondrement parlons-nous ?
Et c’est là où le sous-titre du livre prend tout son sens : « L’étrange défaite de nos croyances » est un clin d’œil à L’étrange défaitede l’historien Marc Bloch, livre paru en 1940. Officier pendant la seconde guerre mondiale, Bloch ne décolérait pas contre la responsabilité partagée du commandement et du renseignement en amont du conflit, et contre le manque de concertation qui a poussé la France à capituler alors qu’elle pouvait encore combattre les nazis. Le livre ne cède pas à la tentation du point Godwin mais décortique plutôt notre abandon de l’idéal de progrès pour toutes et tous, et le fait que nous acceptons le joug progressiste qui réduit au strict minimum l’État social, comme si l’on attendait la libération de cet asservissement par l’effondrement…
Roland Gori montre de façon très convaincante que le renoncement à un idéal n’est pas un projet de société et que nous devons retisser les contours d’un progrès social et écologique fort. Plus manuel de lutte contre un quotidien étouffant que manifeste politique, son essai permet de retrouver confiance dans l’existence d’un « après » vraiment différent de l’avant – ce qui n’est pas rien.
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